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«Générations et successions politiques au Gabon», le regard du Dr. Lévi Martial Midépani

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Lorsque l’on aborde la question de la libéralisation politique au Gabon, les années 90 sont systématiquement citées comme le virage où tout aurait dû commencer. Pourtant, pour mieux saisir l’évolution socio-politique du Gabon, il faut aller à la source de notre histoire politique. C’est la démarche que nous propose Dr. Lévi Martial Midépani dans son essai de sociologie historique du politique, intitulé Générations et successions politiques au Gabon, paru aux éditions Raponda-Walker et préfacé par le Pr. Guy Rossatanga-Rignault. Une initiation politique à travers le temps que nous offre l’auteur dans un langage clair qui montre sa parfaite maîtrise du sujet. 

Dans cette enquête sociologique de la vie politique gabonaise qui part des années 1920 à 2009, Dr. Lévi Martial Midépani ne se contente pas de nous dépeindre la scène politique, mais il marque là un tournant important de l’histoire politique de notre pays. En effet, à travers la description dans sa première partie du legs colonial français de la politique nationale qui va des années 1920 jusque dans les années 1960, l’auteur de Générations et successions politiques au Gabon entend rappeler la gestion de la chose publique par les « chefs traditionnels et évolués » aux côtés des colons qui étaient les maîtres à penser de l’Afrique occupée. Parmi ces chefs, émerge un certain Léon Mba qui deviendra le premier président de la République gabonaise en 1960.

La décennie 60 a annoncé les prémices de ce que d’aucuns qualifiaient de transition politique au Gabon avec la succession Mba-Bongo. En effet, avec Léon Mba comme président et l’instauration du monopartisme par ce dernier, le pays va connaître son premier coup d’Etat en 1964. Avec l’aide de la France, Léon Mba est rétabli. Diminué physiquement et mentalement instable, il laissera l’exercice du pouvoir à Albert Bernard Bongo en 1965. Deux ans plus tard, Albert Bernard Bongo succède à Léon Mba à la présidence de la République en 1967. 

Pendant cette période, la succession Mba-Bongo va précéder l’émergence des jeunes turcs du BDG (futur Parti démocratique gabonais). D’ailleurs, Dr. Lévi Martial Midépani précise que « les élections législatives de mars 1967 confirmèrent l’occupation des positions dominantes du champ politique par la jeune génération ». Une jeunesse qui n’attendait plus que la disparition de la figure paternelle que représentait Bongo, afin d’inaugurer « la deuxième phase de la révolution passive gabonaise » nommée « l’ère de la rénovation ». Cette période constitue, pour l’auteur, le début de la parenthèse autoritaire qui s’étendra jusqu’en 1989, pendant laquelle de nombreux jeunes cadres et la génération intermédiaire du Parti démocratique gabonais ont pris les rênes de la gestion du pays. 

De 1970 à 1985, le Gabon connaît ses années de gloire, avec la mise en place de cinq plans quinquennaux successifs, notamment liés à « l’industrialisation », à la « régionalisation des investissements productifs », le « maintien de la croissance économique et le développement des équipements sociaux ». Ce sont « Les quinze glorieuses gabonaises », comme le souligne l’auteur dans son ouvrage. Réussite économique, croissance exponentielle, le pays connaît un développement économique sans précédent et une stabilité politique enviée dans la sous-région. Cela ne dura pas longtemps, car « Les quinze glorieuses gabonaises » étaient bâties uniquement sur l’exploitation excessive des ressources minières, dont le pétrole, le manganèse et l’uranium.

Pour Dr. Lévi Martial Midépani, les limites des quinze glorieuses gabonaises « résultent largement des priorités et des choix opérés par les jeunes turcs et les membres de la génération intermédiaire ». La géopolitique à la gabonaise n’a pas pu empêcher l’enlisement. Elle a, au contraire, contribué en partie à « entretenir le patronage et le clientélisme politiques et administratifs », au détriment de la compétence. 

Si la géopolitique, le patronage et le clientélisme ont permis aux jeunes turcs et à la génération intermédiaire « d’assurer la stabilité du système politique mis en place », il n’en demeure pas moins que ces mécanismes n’ont pas empêché l’usage de la force par le régime pour maintenir leur domination sur le reste de la population. Ce penchant autoritaire s’est accéléré avec les deux tentatives de coups d’Etat (entre 1986 et 1989), la première attribuée par le régime en place au capitaine Mandza et la seconde au lieutenant-colonel Moubandjo. Elles seront appuyées par la volonté du régime de réduire au silence le Mouvement de redressement national (Morena) dès les années 1990. C’est la troisième phase de la révolution passive gabonaise qui amorcera la libéralisation politique du pays. 

Les nombreuses revendications internes et externes au régime seront à l’origine de plusieurs manifestations sociales dans les rues du pays, principalement à Libreville. Pour contenir cette poudrière devenue incontrôlable et sur le point d’exploser, le pouvoir en place accepte la tenue d’une conférence nationale le 27 mars 1990. Objectifs, dissolution du parti unique PDG et « création du Rassemblement social démocrate gabonais (RSDG) », ainsi que « l’élaboration d’une nouvelle constitution ». Pourtant, après la tenue des premières élections législatives en septembre 1990, le pouvoir s’est montré réfractaire à la « mise en œuvre des actes de la Conférence nationale ». La suite est à découvrir dans Générations et successions politiques au Gabon, paru aux éditions Raponda-Walker.

Dr. Lévi Martial Midépani est docteur en sociologie, Maître-Assistant CAMES (Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur), auditeur de l’Institut des hautes études de défense nationale de Paris, diplômé du Civil Service College de Singapour et enseignant de sociologie politique à l’université Omar Bongo. Il est également membre de l’Association internationale des sociologues de langue française.

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