Libreville : des familles réclament justice pour 30 jeunes incarcérés sans jugement et déportés à Makokou

Réunis devant le tribunal de Libreville ce 2 juillet 2025, les parents des jeunes transférés à la prison centrale de Makokou dénoncent une détention arbitraire, sans accès à la défense ni jugement. Un silence judiciaire qui interroge, à l’heure où la 5e République prétend réformer en profondeur l’appareil judiciaire gabonais.
C’est une scène inhabituelle qu’a connue le palais de justice de Libreville ce mercredi. Vêtus de t-shirts floqués de slogans, brandissant banderoles et pancartes, des dizaines de parents réunis en collectif ont exprimé leur désarroi face à ce qu’ils qualifient d’injustice criante. Leurs enfants, une trentaine de jeunes hommes, ont été arrêtés à Libreville il y a près de huit mois, dans une affaire de trafic de drogue présumé. Depuis, ils sont détenus à Makokou sans procès, sans visite, et sans que leurs proches aient pu connaître avec précision les charges qui pèsent sur eux.
Une procédure opaque et des droits piétinés
« Nous sommes là pour demander justice pour nos enfants qui ont été arrêtés à Libreville. On ne sait pas pourquoi », a lancé Lucie Edzan Mbele-Loussou, membre du collectif parental. Selon les familles, les prévenus ont été transférés en avion militaire, à l’initiative de la Direction générale des services spéciaux (DGSS), après avoir été détenus dans les geôles de cette structure pendant plusieurs semaines, parfois jusqu’à trois mois, sans décision judiciaire formelle.
Sur place à Makokou, les conditions de détention sont qualifiées d’inacceptables. Les visites sont interdites, les avocats entravés, et l’accès aux prévenus se fait sous surveillance militaire. « Quand les avocats ont tenté de les voir, c’était deux minutes par personne, avec les gardes pénitentiaires présents. Ce n’est pas un procès équitable », déplore la même source.
Une justice à géométrie variable ?
Le Collectif s’indigne du silence de la juge d’instruction en charge du dossier, basée à Libreville, qui n’a toujours pas procédé à l’audition des mis en cause. « Qu’on nous dise ce qu’ils ont fait ! On ne sait pas ! Que les coupables soient jugés et les innocents relâchés », martèle l’une des mères. Surtout, le Collectif affirme avoir saisi en vain plusieurs autorités, dont le procureur de la République, le procureur général de la Cour de cassation et le ministère de la Justice.
Le déplacement des jeunes vers Makokou, sans information ni base légale clairement communiquée, soulève de sérieuses questions sur la légalité de la procédure. « C’est une forme de bannissement déguisé », confie un avocat contacté par nos soins, qui évoque une violation manifeste des droits fondamentaux, notamment le droit à un procès dans un délai raisonnable.
Une alerte pour la 5e République
Alors que les nouvelles autorités affichent leur ambition de refonder la République et de restaurer la confiance dans l’appareil judiciaire, ce dossier fait tache. « On ne peut pas prétendre redorer l’image de la justice en multipliant les détentions arbitraires », s’insurge un magistrat sous anonymat. En l’absence de réaction rapide et concrète, cette affaire risque de devenir un symbole de la continuité des dérives d’avant, plutôt que d’une rupture.
« Ce qu’on demande, c’est juste que le droit soit appliqué, que nos enfants soient entendus, défendus, jugés », conclut Lucie Edzan Mbele-Loussou. En ces temps de transition, l’opinion attend des actes concrets, non des slogans. Car la 5e République ne se construira pas sur l’oubli ni sur l’injustice.
GMT TV