France : Ali Bongo entendu par la justice pour «séquestration arbitraire» au lendemain de son éviction du pouvoir

À Paris, l’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba a été entendu ce mardi 1er juillet 2025 par deux juges d’instruction dans le cadre de sa plainte pour séquestration arbitraire. Une étape judiciaire qui relance les débats sur la transition politique au Gabon et le sort réservé à l’ex-famille présidentielle après le coup d’État du 30 août 2023.
Le feuilleton judiciaire autour de la chute d’Ali Bongo a franchi un tournant cette semaine. Selon l’Agence France-Presse (AFP), l’ancien président, renversé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a été auditionné au tribunal judiciaire de Paris dans le cadre d’une information judiciaire ouverte contre X pour séquestration, enlèvement, actes de torture et barbarie en bande organisée. Une procédure explosive, engagée en mai 2024 par la famille Bongo, qui dénonce les sévices subis dans les premiers mois suivant le putsch.
Une plainte inédite, des accusations lourdes
Outre Ali Bongo, ses proches, son épouse Sylvia, son fils Noureddin, et deux de ses fils Bilal et Jalil, se sont constitués partie civile. Dans le viseur : des faits allégués de tortures subies par Sylvia et Noureddin, dont des « électrocutions », « privations de nourriture » et « simulacres de noyade », selon Me François Zimeray, l’un des avocats de la famille.
« Nous avons transmis aux juges une liste de sept à huit noms de personnes impliquées dans ces actes », avait indiqué l’avocat lors d’une conférence de presse en janvier dernier. Le pôle Crimes contre l’humanité du tribunal de Paris pilote l’enquête, et n’exclut pas le recours à des mandats d’arrêt internationaux si les autorités gabonaises refusaient de coopérer.
Un contraste judiciaire troublant
Alors que Noureddin et Sylvia Bongo ont été récemment remis en liberté provisoire par la justice gabonaise – suscitant critiques et interrogations – l’ancien président, désormais réfugié en Angola, entend faire reconnaître son statut de victime d’un pouvoir militaire qui, selon lui, aurait bafoué les droits fondamentaux.
Le contraste est saisissant : au Gabon, l’exécutif assure que l’ancien chef de l’État était « libre de ses mouvements » après le coup d’État. Pourtant, son fils Jalil affirme qu’il a été confiné dans sa villa de Libreville sans aucun droit de sortie pendant plusieurs mois. Ce hiatus soulève des questions de droit fondamental que la justice française devra désormais trancher.
Une affaire à double tranchant
Mais cette procédure survient alors que onze membres de la famille Bongo sont simultanément visés dans une autre affaire : celle des biens mal acquis en France. L’instruction ouverte en 2010 a été bouclée fin mars 2025, et le parquet national financier doit encore rendre ses réquisitions.
Cette double exposition judiciaire révèle toute l’ambivalence du moment : entre quête de justice pour d’anciens dirigeants aujourd’hui déchus et reddition de comptes attendue par des millions de Gabonais pour des décennies de prédation économique.
En toile de fond, une question cruciale : le nouveau pouvoir gabonais, qui se veut républicain et respectueux des droits humains, acceptera-t-il de se soumettre aux exigences de transparence d’une procédure judiciaire transnationale ? L’avenir de la relation judiciaire entre Libreville et Paris pourrait en dépendre.
GMT TV