Paludisme : les moustiques Aedes de Franceville plus résistantes aux insecticides !

Une étude récente menée à Franceville, dans le sud-est du Gabon, a révélé pour la première fois une résistance aux pyréthroïdes chez les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus, deux espèces vectrices d’arbovirus comme la dengue, le chikungunya, le Zika et la fièvre jaune. Publiée par des chercheurs de l’Université des Sciences et Techniques de Masuku (USTM), du Centre Interdisciplinaire de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF) et d’autres institutions internationales, cette découverte alerte sur les défis croissants pour la lutte antivectorielle en Afrique centrale.
Franceville située dans un climat équatorial est un espace propice à la prolifération des moustiques Aedes. Au cours des deux dernières décennies, la ville a été touchée par des épidémies de dengue et de chikungunya, exacerbées par l’absence de programmes de lutte antivectorielle systématiques. L’étude, réalisée entre mars et juin 2023 pendant la saison des pluies, visait à évaluer la sensibilité des populations d’Aedes aux insecticides couramment utilisés, notamment les pyréthroïdes, les organophosphorés et les carbamates.
Des résultats préoccupants pour la santé publique !
Si les deux espèces se sont révélées sensibles à la perméthrine, au pirimiphos-méthyl et au bendiocarbe, ces dernières ont montré une résistance marquée à la deltaméthrine. Et ce, avec des taux de mortalité de seulement 67 % pour Ae. aegypti et 33 % pour Ae. albopictus. Une résistance à l’alpha-cyperméthrine a également été observée avec une mortalité de 82 % pour Ae. aegypti et 64,6 % pour Ae. albopictus. En augmentant la dose de deltaméthrine par cinq, la mortalité a atteint 100 % pour Ae. aegypti et 91 % pour Ae. albopictus, confirmant une résistance modérée.
Par ailleurs, l’utilisation du butoxyde de pipéronyle (PBO), un inhibiteur des enzymes de détoxification, a restauré la sensibilité à la deltaméthrine et à l’alpha-cyperméthrine chez Ae. aegypti, et significativement amélioré la mortalité chez Ae. albopictus. Ces résultats suggèrent que des mécanismes métaboliques, comme l’activation des enzymes du cytochrome P450, jouent un rôle clé dans la résistance aux pyréthroïdes. Cette situation est alarmante, car les pyréthroïdes sont largement utilisés dans les programmes de lutte antivectorielle à travers le monde.
Ainsi donc la propagation de cette résistance pourrait compromettre l’efficacité des stratégies actuelles de contrôle des arbovirus, augmentant ainsi le risque d’épidémies dans une région déjà vulnérable. Puisqu’au Gabon, la lutte contre les moustiques s’est jusqu’à présent concentrée sur les anophèles, vecteurs du paludisme. Cependant, les épidémies de dengue et de chikungunya enregistrées en 2007 et 2010 soulignent l’urgence d’inclure les moustiques Aedes dans les programmes de surveillance et de contrôle. L’absence de vaccins efficaces contre la plupart des arbovirus rend la lutte antivectorielle cruciale, mais la résistance aux insecticides constitue un obstacle majeur.
GMT TV