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Droit pénal: l’impérieuse nécessité de qualifier la «pédophilie» en «pédocriminalité»

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À l’heure où les agressions sexuelles sur mineures de moins de 15 ans se décomptent par dizaines à l’issue de la récente session criminelle, il semble judicieux que le législateur gabonais adopte un vocabulaire plus approprié à cette réalité. A cet effet, il conviendrait de substituer la dénomination « agression sexuelle sur mineure » trivialement usitée « pédophilie » par « pédocriminalité », ce qui ôterait d’emblée le soupçon d’amour faussement reconnu à ces crimes.

Les sessions criminelles déroulées entre février et avril 2021, sur toute l’étendue du territoire, ont été le révélateur d’une inquiétante hausse de cas d’agressions sexuelles sur mineures dont les âges sont, le plus souvent, compris entre 2 et 11 ans. Pis, ces actes déviants sont commis entre ascendant et descendant d’une même lignée, entre frère et sœur, entre adoptant et adopté, entre oncle et nièce, entre tante et neveu et entre cousins germains au premier degré.

A ce propos, une fonctionnaire au Tribunal de la justice en poste à la juridiction des mineurs de Port-Gentil avait révélé que « le fait que les dénonciations n’aboutissent souvent à aucune sanction commence à décourager les victimes ». Un état de fait qui dénote d’une banalisation de cette pratique. On peut, sans risque de se fourvoyer, affirmer que  le tabou autour de l’inceste favorise son expansion. Il s’agit entre autres du poids de la famille mais aussi du sens étymologique de qui définit ce mal de société à l’origine de traumatismes quasi irréversibles.

Pédophilie, un sens bien éloigné de la réalité

Si les tribunaux se plaisent à prononcer des condamnations envers certains individus trivialement appelés « pédophiles », il y a lieu de changer de proscrire cette expression qui banalise la gravité des faits. Sur la toile d’ailleurs, émerge une dénomination nouvelle qui renvoie bien à cette situation. Il s’agit de « pédocriminalité ». Bien que sans effet immédiat majeur, ce changement pourrait davantage responsabiliser les auteurs de crime.

D’un point de vue historique, il convient de rappeler que c’est à la fin du XIXe siècle dans le vocabulaire psychiatrique qu’apparaît cette dénomination. Il s’agissait de « trouble de la préférence sexuelle ». Pourtant, dans sa construction étymologique, le préfixe grec « paîs » signifiant « enfant » est associé maladroitement au  suffixe « philein » qui désigne « l’amour amical ». Ainsi la pédophilie désigne l’amour amical pour un enfant.

Ce n’est que près d’un siècle après que le terme va renvoyer à « l’attirance sexuelle d’un adulte pour les enfants, filles ou garçons » mais également « l’ensemble des relations physiques avec un mineur » selon la définition en ligne du Larousse. Alors comment comprendre que ce crime soit revêtu d’amour ? Pour bon nombre de sociologues gabonais qui ont requis l’anonymat, « relier un penchant affectif à une déviance sexuelle est problématique », a indiqué un enseignant-chercheur à l’Université Omar Bongo.

Utiliser des termes réparateurs

Une démarche initiée par une fervente militante pour la cause des enfants en France. En effet, considérant ce groupe nominal comme une aberration lexicale, Homayra Sellier a notamment écrit à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour demander le bannissement du terme « pédophile » fortement usité par des hommes de loi alors même que la qualification juridique est désormais intitulée « agression sexuelle sur mineure ».

À ce propos, le législateur gabonais gagnerait à se débarrasser de ces termes qui heurtent d’emblée la psychologie des victimes au profit des mots qui décrivent au mieux la gravité de ces infractions. « Des termes réparateurs », dit-on. N’est-il pas vrai que l’évolution de la langue n’est valable que grâce à l’évolution des valeurs sociétales ? Ainsi, si tant est que notre pays lutte contre ces déviations qui s’accommodent mal avec la liberté, il serait temps d’intégrer ce néologisme dans nos mœurs.

La loi, un outil qui se veut orthodoxe mais évolutif

En droit gabonais, les termes « pédophilie » et « pédocriminalité » sont tous deux absents du Code pénal nouveau. Le législateur s’étant contenté de qualifier les violences sexuelles sur mineurs par des termes comme « viol », « agression sexuelle » voire « atteinte sexuelle ». Et ce, alors que dans la pratique, « pédophile » demeure le plus usité dans les commissariats, les brigades et même les tribunaux.

Il y a donc nécessité, d’un point de vue pénal, de définir de la manière la moins souple ce crime qui a des effets néfastes pour le corps mais encore plus pour l’âme de la victime. Cette démarcation expresse vers le néologisme « pédocriminalité » pourrait , in fine, permettre de modifier les actions hautement déviantes de ceux qui ne semblent pas avoir cerné la dangerosité de actes posés et maladroitement assimilés à « l’amour amical d’un enfant ». Vivement un sursaut pour la jeunesse !

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

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