Estuaire : 370 milles électeurs, mais presqu’autant de députés que dans le Haut-Ogooué

Après dix jours de travaux, le Comité de rédaction de l’avant-projet de loi sur la répartition des sièges électoraux a remis son rapport au président de la République. Ce comité avait pour mission d’intégrer les 16 nouveaux sièges de sénateurs et 2 de députés de l’étranger, prévus par la nouvelle Constitution. Cependant, ce travail remet au goût du jour l’épineuse question de la répartition des sièges entre les provinces Le cas le plus frappant est celui de la province de l’Estuaire, qui compte 370 383 électeurs mais se voit attribuer seulement 26 députés, contre 23 pour le Haut-Ogooué, une province pourtant avec un corps électoral trois fois moins élevé.
Lors de l’ouverture des travaux, le président de la commission, Hermann Immongault, avait certes souligné que la mission confiée à ses membres ne visait pas à procéder à un redécoupage électoral, mais à répartir les nouveaux sièges. Un positionnement qui, s’il est conforme à la lettre de leur mandat, semble largement insuffisant face aux exigences d’équité démocratique imposées par la Cinquième République. En effet, l’ordonnance n°00003/PR/2018 fixant la répartition des sièges de députés crée une représentation déséquilibrée et injuste entre la province du Haut-Ogooué et le reste du pays. Certains départements de cette province, qui peuvent difficilement justifier d’un poids démographique, comptent jusqu’à trois députés, une situation profondément injuste du point de vue démocratique.
Un déséquilibre démocratique devenu structurel
Ce déséquilibre remet fondamentalement en question le principe de représentation équitable des citoyens. En effet, si l’Estuaire est le cœur démographique du pays, avec près d’un tiers des électeurs, il ne dispose que d’un siège de député pour environ 15 000 électeurs, contre un siège pour environ 4 500 dans le Haut-Ogooué. Cette distorsion de la représentation affaiblit la légitimité de l’Assemblée nationale, en contradiction avec les principes d’un État démocratique moderne. Pire encore, elle crée un sentiment de marginalisation politique chez les citoyens des zones les plus peuplées, qui voient leur poids électoral dilué par des combines politiciennes. Dans ce contexte, maintenir un statu quo revient à institutionnaliser une inégalité de traitement entre Gabonais.
Il apparaît donc nécessaire, voire urgent, d’engager un vrai processus de redécoupage électoral qui reflète la réalité démographique des provinces. Ce travail indispensable permettrait en effet de rétablir la balance entre les territoires et de garantir à chaque citoyen une représentation équivalente à son poids dans le corps électoral. Il ne s’agit pas d’exclure les régions moins peuplées, mais de réajuster la carte électorale pour qu’elle incarne une démocratie représentative conforme aux standards internationaux. Le Dialogue national inclusif, dans son esprit, avait déjà appelé à la mise en place de cette réforme. Ignorer cet enjeu reviendrait à passer à côté d’un enjeu crucial pour la stabilité et la légitimité du processus démocratique gabonais.
GMT TV