Investissements directs étrangers : l’Afrique déjoue la tendance mondiale, mais la prudence reste de mise

Alors que les flux d’investissements directs étrangers (IDE) mondiaux continuent de s’essouffler, l’Afrique enregistre une progression inédite qui tranche avec le climat général de morosité économique. Selon le rapport 2025 sur l’investissement dans le monde publié le 19 juin par l’ONU Commerce et Développement (CNUCED), le continent capte désormais 4 % des flux mondiaux d’IDE, pour un montant estimé à 62 milliards de dollars. Une dynamique alimentée par des mégaprojets, notamment en Égypte, mais qui reste marquée par des disparités régionales et sectorielles.
Une exception africaine dans un monde en retrait. Alors que les économies avancées, en particulier en Europe, subissent une contraction notable de leurs IDE, avec une baisse globale de 11 % des flux mondiaux, l’Afrique semble afficher une résilience stratégique. Cette résistance repose, selon le rapport, sur une série de réformes pro-investisseurs : 36 % des mesures adoptées en 2024 visaient à faciliter l’implantation des capitaux étrangers, tandis que 20 % relevaient d’une libéralisation ciblée dans des secteurs clés. L’Afrique du Nord, en particulier, en récolte les fruits.
L’exemple de l’Égypte, où les engagements de financements internationaux pour les projets urbains ont doublé, illustre cette attractivité renouvelée. Le Maroc et la Tunisie emboîtent le pas, avec respectivement +55 % et +21 % d’augmentation des IDE. Dans ces pays, les énergies renouvelables s’imposent comme un levier d’avenir, mobilisant à elles seules près de 17 milliards de dollars sur des projets structurants.
Une progression fragile, menacée par un déséquilibre structurel
Mais derrière cet apparent renouveau, des signes de fragilité subsistent. La valeur totale des nouveaux projets annoncés est en chute libre : -37 % en un an. Le nombre même de ces projets recule de 5 %, tandis que les opérations de fusions-acquisitions transfrontalières, habituellement robustes, plongent en territoire négatif. En clair, l’Afrique attire davantage d’argent, mais moins de projets neufs.
Autre zone d’ombre : la concentration géographique et sectorielle des IDE. Deux tiers des investissements dans de nouveaux projets sont captés par l’Afrique du Nord, laissant le reste du continent à la traîne. De même, certains domaines stratégiques comme l’approvisionnement en gaz et électricité enregistrent des reculs spectaculaires, illustrant une réorientation non maîtrisée des priorités d’investissement.
Des réformes à consolider pour pérenniser l’attractivité
Dans ce contexte, la tenue prochaine de la Conférence internationale sur le financement du développement (FFD4) devrait constituer une opportunité pour repositionner le débat. La question ne se limite pas à attirer les capitaux, mais bien à orienter ces flux vers des secteurs et des territoires prioritaires. Pour Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la CNUCED, « ce ne sont pas les potentiels qui manquent, mais le système continue de favoriser les destinations les plus simples, au détriment des plus nécessaires ».
L’Afrique doit donc transformer cette embellie en ancrage durable. Cela passe par une gouvernance plus lisible des projets, une meilleure répartition territoriale et une diversification sectorielle ciblée. À défaut, les records actuels pourraient n’être qu’un feu de paille dans un continent encore largement sous-financé.
GMT TV