A La UneEDITORIAL

Référendum 2024 : le « Oui » triomphe, mais l’abstention domine

Lire cet article

Le référendum constitutionnel du samedi 16 novembre 2024 marque une étape cruciale pour le Gabon, quinze mois après la prise de pouvoir du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Si le “Oui” a remporté une victoire éclatante sur le papier, les urnes racontent une autre histoire : celle d’une mobilisation timide, révélatrice d’une fracture entre la population et ses institutions.

D’après les résultats officiels, le “Oui” l’a emporté avec une majorité écrasante, exprimant un soutien affirmé au projet de Constitution porté par le CTRI. Cette nouvelle Loi fondamentale, élaborée après le Dialogue national dit « inclusif » d’avril 2024, est censée jeter les bases d’un Gabon démocratique, où l’État de droit et la séparation des pouvoirs seraient mieux garantis.

De Libreville à Franceville, en passant par Oyem, Koula-Moutou et Lambaréné, les électeurs qui se sont déplacés ont massivement voté en faveur de ce projet. Même dans la diaspora, le “Oui” s’est imposé, traduisant une adhésion au message de rupture et de refondation promu par le gouvernement de transition. Pourtant, ce plébiscite masque une réalité plus complexe : une abstention record, symbole d’un désintérêt croissant des Gabonais pour les consultations électorales.

L’abstention : le signal d’un malaise persistant

Le taux de participation, particulièrement faible dans le Grand Libreville et à Port-Gentil, illustre une démobilisation générale. Au centre de vote de l’école publique Martine-Oulabou, habituellement un baromètre de la participation électorale, les files d’attente étaient presque inexistantes dès l’ouverture des bureaux. Certains électeurs confient même avoir accompli leur devoir citoyen en moins de 5 minutes.  

Cette abstention, qui pourrait être interprétée comme une victoire silencieuse du “Non”, révèle un malaise persistant dans la société gabonaise. Malgré les efforts du CTRI et du gouvernement de la transition pour sensibiliser les citoyens, une partie significative de la population semble avoir perdu confiance dans les processus politiques, y voyant davantage une formalité qu’un exercice démocratique. Le jour des élections des Gabonaises que nous avons rencontré nous ont confié « préférer aller faire leurs ongles que d’aller voter ». 

Une transition à un tournant décisif

Le référendum devait être le point d’orgue d’une transition présentée comme exemplaire par le général Brice Oligui Nguema et son équipe. Cependant, l’abstention massive remet en question la légitimité de ce scrutin et souligne les défis qui attendent les autorités de transition.

Le CTRI doit désormais convaincre les Gabonais que cette nouvelle Constitution est plus qu’un simple document juridique : elle doit être un levier pour instaurer une gouvernance plus inclusive et efficace. Mais ce travail de réconciliation entre les citoyens et leurs institutions nécessitera plus que des discours. Il faudra des actes concrets, notamment en matière de justice sociale, de lutte contre la corruption et de transparence dans la gestion des affaires publiques.

Une victoire à la Pyrrhus ?

Si le “Oui” triomphant donne un mandat clair au CTRI pour poursuivre ses réformes, cette victoire pourrait s’avérer à double tranchant. L’abstention massive est un rappel cinglant que les Gabonaises et les Gabonais attendent des résultats tangibles, au-delà des promesses et des textes. 

Le défi pour les autorités sera de transformer cette victoire formelle en un véritable élan populaire, en rétablissant la confiance dans le projet de transition. Car sans une adhésion sincère de la population, la nouvelle Constitution risque de n’être qu’un symbole creux, incapable de répondre aux aspirations profondes d’un peuple en quête de changement véritable. Surtout que les tenants du pouvoir de transition ne cessent de s’illustrer dans le pire du régime qu’ils ont renversé. 

En somme, ce référendum n’est pas une fin en soi, mais le début d’un chemin semé d’embûches pour la transition gabonaise. Le temps presse pour prouver que ce “Oui” historique ne sera pas une opportunité manquée. Surtout que pour la masse silencieuse la présence d’anciens hiérarques du Parti démocratique gabonais sèment la confusion et donne raison à ceux qui dénoncent une connivence CTRI-PDG en passe de reprendre le pouvoir. 

Harold Leckat

Juriste Contentieux, Fondateur et Directeur de publication. « Les hommes ont inventé l'Etat pour ne pas obéir aux hommes », pour affranchir les rapports d'autorité de ce qu'il a d'humiliant pour un homme d'avoir à se soumettre à la volonté d'un autre homme. » Georges Burdeau, Juriste.

Articles similaires

Un commentaire

  1. ”…les tenants du pouvoir de transition ne cessent de s’illustrer dans le pire du régime qu’ils ont renversé”’. S’ils agissent déjà ainsi sans aucune légalité, maintenant que la Constitution exhumée de 1961 vient de consacrer un Monarque républicain, il y a fort à craindre bien pis!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page