Gabon : Hermann Immongault ou l’art de court-circuiter l’action gouvernementale
Le Premier ministre chef du Gouvernement de Transition, Raymond Ndong Sima avait rendez-vous ce 18 juin avec la presse nationale et internationale. Il était question pour le chef du gouvernement de transition de dresser un tableau de l’état d’avancement du travail de traduction en actes les recommandations issues du Dialogue national inclusif. S’il ressort de la conférence de presse que ce travail se poursuit, l’introduction au parlement de transition, par le ministre en charge de l’Intérieur, Hermann Immongault du projet de modification du Code électoral, renforce les interrogations sur l’opportunité d’une telle décision.
Si dans la configuration actuelle du fonctionnement de nos institutions, les ministres prennent leurs ordres du président de la Transition, à qui ils rendent directement des comptes, l’action gouvernementale peut à certains égards paraître incohérente. C’est notamment l’interprétation qui pourrait se dégager à la suite de la Conférence de presse de Raymond Ndong Sima, de laquelle il ressort qu’à la suite du travail déjà effectué par ses équipes, l’étape des prochains jours consistera à distribuer aux différents départements ministériels les actions qu’ils auront à mener afin de traduire en actes les recommandations du DNI.
Hermann Immongault électron libre du Gouvernement de Transition ?
Alors que le Premier ministre de la Transition a reçu instruction du président de la Transition de « prendre toutes les dispositions nécessaires pour que chaque département ministériel concerné élabore, dans les plus brefs délais, son plan d’exécution des mesures relevant de son champ de compétences » à la faveur du Conseil des ministres du 14 mai, il aura seulement fallu 3 jours à Hermann Immongault pour présenter à la presse les grandes lignes de son projet de réforme du Code électoral, qui reprenait les recommandations du Dialogue national inclusif, que le Premier ministre de la Transition, Raymond Ndong Sima était censé faire traduire en actes. Une temporalité qui suscite une interrogation : le projet de loi présenté à la presse le 17 mai par le premier flic du pays était-il déjà dans les placards du ministère de l’Intérieur avant même que mandat soit donné au gouvernement de traiter les 1 000 recommandations sorties du Dialogue national ?
Une thèse qui semble assez plausible puisque les conclusions du travail effectué depuis le 15 mai par le Cabinet du Premier ministre, et qui a consisté en la répartition des différents supports de mise en oeuvre des recommandations du Dialogue national, n’était pas réputé avoir déjà été remis aux différents départements ministériels concernés par les actions à mener. En effet, au terme de sa présentation du travail accompli, Raymond Ndong Sima a clairement indiqué que « l’étape suivante consistera à identifier les différents ministères sectoriels qui doivent être à l’initiative des projets correspondants ». Une clarification du Chef du gouvernement qui suscite une autre interrogation : le ministre de l’Intérieur a-t-il élaboré un projet de loi sur la base de recommandations qui n’avaient pas encore été traitées par le cabinet du Premier ministre chef du Gouvernement ?
Quoi qu’il en soit, le tollé suscité au sein de la classe politique et de la société civile à la suite de la présentation puis l’introduction au parlement du texte de loi modifiant le Code électoral, dénote d’une impréparation de ses auteurs, et qui aboutit à des blocages inutiles. En effet, si le souci principal d’Hermann Immongault de respecter le calendrier de la Transition, qui prévoit l’organisation du référendum à la fin de cette année a motivé une telle accélération du processus au détriment du travail qui avait été confié au chef du gouvernement, peut-être aurait-il dû proposer aux parlementaires une loi référendaire, comme l’ont d’ailleurs proposé les députés de la Transition au cours de l’audition du ministre de l’Intérieur.
Toute chose qui traduit une cacophonie au sein du gouvernement et de l’administration publique qui tend à s’institutionnaliser sous le regard du président de la Transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema et que le Premier ministre, Raymond Ndong Sima n’a pas manqué de déplorer au cours de son intervention face à la presse. « Pour qu’un pays marche il faut que chacun soit à sa place et que chacun prenne ses ordres chez son chef. Et vice versa […] », a-t-il martelé. Une frustration qu’il avait déjà relevée à l’occasion de l’interview conjointe qu’il avait accordée à la presse publique et privée en décembre 2023.