Tchad : Succès Masra interpellé pour incitation à la haine après un affrontement meurtrier au sud-ouest

L’ancien Premier ministre et opposant Succès Masra a été arrêté dans la matinée du 17 mai à N’Djamena, à la suite des violences sanglantes survenues dans la région du Logone-Occidental. Il est accusé par le parquet tchadien de diffusion de messages incitant à la haine et à la violence communautaire.
C’est un nouvel épisode tendu dans l’actualité politique tchadienne. Au lendemain d’un affrontement meurtrier dans le village de Mandakao, dans le sud-ouest du pays, ayant coûté la vie à 42 personnes, majoritairement des femmes et des enfants, l’opposant Succès Masra a été interpellé par les forces de sécurité. Selon le procureur de la République, Oumar Mahamat Kedelaye, cette arrestation fait suite à la diffusion de messages sur les réseaux sociaux, jugés incitatifs à la haine et à la révolte armée.
Un climat d’instabilité communautaire
Le drame de Mandakao oppose, selon des sources locales, des éleveurs peuls et des agriculteurs ngambayes autochtones autour de litiges fonciers liés à la délimitation des pâturages. Ces tensions récurrentes s’inscrivent dans un contexte plus large de méfiance intercommunautaire et de fragilité sociale dans le sud du Tchad, région majoritairement chrétienne et animiste, souvent en opposition politique et culturelle avec le pouvoir central, dominé par la communauté musulmane du nord.
Un opposant populaire sous pression judiciaire
Succès Masra, lui-même originaire de la région et très populaire au sud du pays, est accusé par les autorités de « complicité d’assassinat », « incitation à la révolte » et « profanation des sépultures ». Si le parquet n’a pas encore produit les preuves de cette implication, la justice affirme poursuivre ses investigations.
De son côté, le parti Les Transformateurs a dénoncé un « enlèvement » et une « violation flagrante des droits civiques ». Une vidéo de surveillance diffusée par le parti montre l’ancien chef du gouvernement escorté par une dizaine de militaires à la sortie de son domicile. « Cette action brutale et illégale ne peut que renforcer la rupture de confiance entre les citoyens et les institutions », indique leur communiqué.
Une fracture politique qui s’élargit
Candidat malheureux à la présidentielle de 2024, où il faisait face à Mahamat Idriss Déby Itno, Succès Masra incarne l’opposition d’un sud marginalisé au pouvoir central de N’Djamena. Sa popularité, sa posture réformiste et son appel constant à la justice sociale en font une cible politique, selon ses partisans. Le climat politique tendu, à la suite du boycott des élections législatives par Les Transformateurs, pourrait à nouveau se détériorer si la justice n’apporte pas rapidement les gages de transparence qu’exige la situation.
Alors que le parquet assure que « toutes les personnes impliquées devront répondre de leurs actes », une partie de l’opinion tchadienne s’interroge : s’agit-il d’un acte de justice ou d’un coup politique ? Les prochaines heures seront déterminantes pour évaluer les répercussions nationales de cette arrestation à haut risque.
GMT TV