Dialogue national : quand des commissaires sans légitimité fabriquent des gabonais de seconde zone
Les quatorze années de mal gouvernance du régime d’Ali Bongo Ondimba ont radicalement transformé le peuple gabonais, qui semble désormais se replier sur lui-même, au nom d’un supposé protectionnisme politique, économique et social. Si cette posture peut s’expliquer au regard de l’ampleur des humiliations subies, et des dérives perpétrées par une infime minorité de privilégiés bi-nationaux et étrangers, galvanisés par des nationaux complètement dépossédés de tout sens patriotique, il convient toutefois d’alerter sur le risque de dérives extrémistes de quelques revanchards, qui n’auraient pour victimes que des compatriotes qui, à l’instar du reste de la population, ont été victimes de ce système criminel.
Entre le 03 et le 27 avril 2024, se sont réunis au Stade d’Angondje quelque 680 commissaires, désignés sur des critères purement subjectifs, qui ont produit un rapport de près de 1 000 recommandations, sur la base de 38 140 contributions formulées par des Gabonais de tout âge et de différentes couches sociales. Parmi ces recommandations, certaines ouvertement discriminatoires vis-à-vis d’une partie de la population, et qui pourraient à terme profondément diviser la société gabonaise. En effet, au terme des débats, les commissaires ont acté des mesures tels que les critères « Gabonais de père et de mère », être marié(e) à un(e) gabonais(e), pour prétendre à la magistrature suprême ; la préférence nationale dans tous les domaines de la vie de la nation ; l’exclusivité des hautes fonctions électives, administratives, politiques, militaires et judiciaires aux nationaux de père et de mère ; l’interdiction du port du voile intégral dans les lieux publics et bien d’autres mesures qui ciblent une minorité religieuse, au nom d’un imaginaire problème de sécurité. Autant de mesures inquiétantes, qui nécessitent que le président de la Transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, des Hommes d’Etat comme le Gabon en dispose toujours, et les amis du Gabon, veillent à canaliser les ardeurs des uns et des autres, afin que la lucidité et le sens de la répartie soient les maîtres mots des conclusions qui seront retenues au terme de ce processus.
Le rôle du Grand Homme face aux extrémistes revanchards
Si beaucoup pensaient avoir franchi le plus dur après la remise du rapport final du Dialogue national inclusif au chef de la Transition, la stabilité du pays se jouera en réalité dans les prochains mois et les conséquences de nos actions seront évaluées dans les prochaines années. C’est pourquoi, avant toute conclusion hâtive, il convient de réfléchir à chacun de nos choix, à convoquer l’histoire, à s’inspirer des réussites et des échecs des autres, afin de prendre des bonnes résolutions pour éviter au pays le tragique de l’histoire. Si en période de conjoncture difficile, le peuple, que je qualifierais à certains égards de « foule haineuse » est souvent animé par des passions mortifères, il convient pour l’Homme d’Etat de neutraliser politiquement ceux qui tirent les ficelles, en surfant sur la manipulation de l’opinion, en se fabriquant des ennemis (l’étranger et le gabonais bi-national), dans le but de satisfaire des agendas politiques cachés. Ceux-là sont en réalité les vrais ennemis de la nation et du peuple qu’ils prétendent défendre.
Ce tournant radical, teinté de populisme, alimenté par une élite politique empreinte de cynisme et aux relents revanchards, pourrait à terme conduire à un délitement de la société gabonaise. A travers leurs recommandations liberticides, que nous proposent en réalité les ennemis de l’unité nationale ? Ils nous proposent une conception racialiste de la nation, qui rappelle les heures les plus sombres de l’histoire du Rwanda. Que doit nous offrir le Grand Homme, une conception intégrationniste de la nation, fondée sur le sentiment d’appartenance à l’histoire et à la culture gabonaise. En ce sens, des milliers de compatriotes potentiellement stigmatisés par ces recommandations à la limite du totalitarisme, se sentent autant Gabonais dans leur chair que d’autres, voire sont bien plus Gabonais, de par leurs actions quotidiennes, que tous ces extrémistes qui veulent conduire le pays dans le précipice.
Bien qu’Ali Bongo et sa « légion étrangère » de privilégiés ont mis le pays en coupe réglée, les dirigeants actuels ne devraient pas acter de manière discriminatoire des recommandations tendant à remettre en question le fragile équilibre social du pays. En effet, devant ce risque du tragique, le rôle du Grand Homme est plus que jamais indispensable. En effet, par ses arbitrages raisonnés, il peut canaliser les passions d’une foule désabusée. Le Grand homme est celui-là qui accepte de conduire son peuple vers son accomplissement, quitte à accepter l’impopularité de l’instant, pour une postérité future, gravée à jamais dans les livres d’histoire. Parce que finalement, le peuple retiendra du Grand Homme, non pas les mesures impopulaires de l’instant, mais le résultat final, c’est-à-dire la préservation de l’unité nationale, socle d’une société solide, bâtie sur des valeurs et des principes démocratiques. C’est aussi une preuve de courage politique dont peu de personnes sont capables.
Le Grand Homme face aux volte face du peuple
De même, si de nombreuses réformes sont nécessaires en matière d’immigration et du droit des étrangers installés en République gabonaise, il serait là-aussi dangereux de céder à la facilité par la prise de mesures court termistes, qui n’auraient pour seul effet que de créer un climat de xénophobie généralisée, avec des risques réels de dérives d’une foule galvanisée par une caution implicite de l’Etat. Là aussi, la raison commande à la fois que des mesures protectionnistes soient prises certes, mais sans que tous les maux dont souffre le pays ne soient systématiquement imputés aux compatriotes étrangers, dont plusieurs milliers sont régulièrement installés au Gabon, ont des enfants qui fréquentent les nôtres, et tentent de s’en sortir comme tous les nationaux qui se lèvent à 5 heures du matin pour espérer rapporter un bout de pain aux enfants le soir. Il serait judicieux que les mesures qui seront finalement retenues, sachent faire preuve de diligence à l’égard de cette catégorie d’étrangers, de peur là aussi que le Gabon ne soit jeté au rang de paria par la communauté internationale, après avoir magistralement réussi à conduire une transition dans l’unité et la cohésion de l’ensemble des forces vives de la nation, y compris avec les bourreaux du pays et les extrémistes revanchards.
Si l’écoute du peuple, qui adule ses dirigeants aujourd’hui, est une boussole qui doit guider le Grand Homme vers sa mission de conduire la nation vers l’abondance matérielle et spirituelle, ce dernier doit tout aussi intégrer le fait qu’un peuple longtemps dépossédé de sa dignité, peut facilement muter en foule haineuse, et emporter son dirigeant. L’ancien président lybien nous l’a d’ailleurs très bien enseigné « Que j’aime la liberté des foules, leur élan enthousiaste après la rupture des chaînes, lesquelles lancent des cris de joie et chantent après les plaintes de la peine. Mais comme je les crains et les redoute ! Comme elles sont si affectueuses dans les moments de joie portant leurs enfants au-dessus d’elles. Elles ont porté Hannibal et Périclès…Savonarole, Danton et Robespierre…Mussolini et Nixon… Et comme elles sont si cruelles dans les moments de colère… Elles ont comploté contre Hannibal et lui ont fait boire le poison, elles ont brûlé Savonarole sur le bûcher…envoyé Danton sur l’échafaud…fracturé les mâchoires de Robespierre, son bien-aimé orateur, traîné le corps de Mussolini dans les rues, craché à la figure de Nixon ». Ces propos prémonitoires du colonel Mouammar Kadhafi résonnent aujourd’hui comme une alerte pour tous ceux qui auront à conduire les débats pour l’orientation idéologique et politique du pays pour les 50 années à venir.
J’ai lu avec attention votre article mais je puis dire que je ne comprends pas votre le sens de votre article . Car le Gabon a toujours été tolérant à l’extrême je dirais ce qui a eu pour conséquence le déclin de notre pays . Laquelle de ces mesures est l’exclusivité du Gabon pour prétendre qu’elle nous mettrait au banc de la communauté internationale ?