CEMAC : une créance sur cinq en souffrance, alerte sur le système bancaire régional

Alors que les banques de la zone CEMAC affichent une trésorerie nette excédentaire de plus de 8 245 milliards de FCFA, le niveau de créances douteuses a franchi la barre critique des 17 %. Une contradiction inquiétante qui reflète les fragilités structurelles du système bancaire sous-régional.
La Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a tiré la sonnette d’alarme à l’issue de sa concertation annuelle à Bangui. Selon les données publiées à cette occasion, les créances en souffrance ont atteint 17,3 % des encours de crédit à fin mars 2025, confirmant une tendance haussière persistante depuis 2022. Malgré une situation de liquidité favorable, les banques peinent à recouvrer les crédits accordés, accentuant leur exposition aux risques.
Une dérive structurelle malgré une trésorerie excédentaire
La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) indique que le taux de créances douteuses est passé de 16,0 % fin 2023 à 16,2 % fin 2024, pour culminer aujourd’hui à plus de 17 %. Cette dégradation continue survient alors que la trésorerie nette du secteur bancaire dépasse les 8 245 milliards de FCFA, un niveau historiquement élevé.
Ce paradoxe s’explique par la conjonction de deux facteurs : une gouvernance bancaire perfectible, marquée par des pratiques de gestion du risque encore insuffisamment encadrées ; et un environnement macroéconomique fragile, aggravé par les tensions de trésorerie des États, qui peinent à honorer leurs engagements envers les entreprises. Résultat : les retards de paiement s’accumulent et les PME se retrouvent étranglées.
Des répercussions sur l’économie réelle
Pour la Cobac, cette situation compromet dangereusement le rôle de soutien à l’économie que doivent jouer les établissements financiers. L’accès au crédit, déjà limité, devient encore plus contraint pour les petites et moyennes entreprises, pourtant essentielles au tissu productif des pays de la CEMAC.
Face à ce constat, l’organe de régulation appelle à une réforme d’ampleur. Il s’agirait de renforcer les dispositifs prudentiels, notamment en matière de provisionnement et de classification des risques, tout en révisant le cadre macroéconomique pour restaurer la confiance et la discipline budgétaire des États.
Vers un nouveau pacte de stabilité bancaire ?
Au-delà du diagnostic technique, c’est tout le modèle de financement de l’économie dans la zone CEMAC qui est remis en question. Pour éviter une crise systémique, la BEAC et la Cobac exhortent les États membres à agir rapidement.
« Le moment est venu d’un pacte sous-régional de stabilité financière, fondé sur la responsabilité budgétaire, la transparence bancaire et la mobilisation effective de l’épargne vers les secteurs productifs », résume un économiste régional interrogé par Gabon Media Time.
Alors que la région cherche à impulser une nouvelle dynamique économique post-transition, la santé du secteur bancaire apparaît comme un indicateur crucial à surveiller de près.
GMT TV