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Zacharie Myboto : « Le mode de gestion du Gabon doit reposer sur l’exemplarité à tous les niveaux »

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Reçu le mercredi 6 septembre en audience par le président du CTRI, le ministre d’Etat, ancien président de l’Union nationale (UN), Zacharie Myboto, nous accueille chez lui, à Libreville. Très heureux et joyeux, il s’écrie : « Enfin, enfin, enfin ! » Comme pour dire : « le changement tant attendu est là ». Cette rare bibliothèque vivante connaît du bout des doigts l’histoire du Gabon, des indépendances à aujourd’hui. Il a été, tour à tour, secrétaire administratif du PDG (1972-1990), membre des gouvernements successifs d’Omar Bongo de 1978 jusqu’à sa démission fracassante en 2001. Lorsqu’en mai 2005, il quitte le PDG, il crée l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (HUGH). Après la mort d’Omar Bongo en 2009 et l’accession du fils de ce dernier à la tête de l’Etat suite à une élection controversée, Zacharie Myboto, Eyeghe Ndong, Pierre Claver Zeng-Ebome, André Mba Obame, etc., se coalisent en 2010 et fondent l’Union nationale dont il devient le président. Grâce à son initiative en 2016, Jean Ping est désigné candidat unique de l’opposition à la présidentielle de cette année-là. Il la gagne mais Ali Bongo réprime dans le sang les mouvements populaires. Retiré de toutes activités politiques, il savoure cette liberté « trouvée », telle qu’elle n’a jamais existé auparavant. Lecture ! 

Gabonclic.info : Monsieur le président, le 30 août dernier, les Gabonais se sont réveillés sous un nouveau régime. Des années durant, vous vous êtes battu avec détermination pour l’alternance au sommet de l’Etat. Quelle est votre réaction ?

Zacharie Myboto : Je voudrais commencer mon propos, tout en vous remerciant d’être venu vers moi, par un rappel de ce principe qui dit : « Tout a une fin ». Et j’ajoute à cela un passage connu du monde chrétien qui souligne que sous le firmament, tout n’est que changement, tout passe. Oui, le 30 août dernier, nous nous sommes réveillés en constatant que le système Bongo-PDG n’était plus au pouvoir. Que tout avait changé. Et je pense que non seulement tout a changé, mais tout doit passer. C’est-à-dire que le système Bongo-PDG s’en est allé. Vous faites bien de rappeler que depuis plusieurs années, je mène le combat de l’alternance au Gabon. Et ce combat, je l’ai mené avec foi, constance, courage, détermination et patriotisme. Tout cela parce que j’étais sûr, je savais qu’un jour, le système que je combattais devait prendre fin. Et il a pris fin. C’est donc le Gabon qui s’est libéré du joug du système Bongo-PDG. Ma réaction ? Mais je suis heureux ! Je suis surtout heureux de la fin du système Bongo-PDG dans la douceur patriotique. 

A travers l’acte des militaires, la semaine dernière, l’ensemble des filles et fils du Gabon parlent de « la libération du pays ». L’est-il désormais ?

Je l’ai déjà dit hier (mercredi dernier, Ndlr) après l’audience que j’ai eue avec le président de la Transition. Oui, le Gabon s’est libéré. Et l’acte qui a matérialisé cette libération était un acte majeur. C’est pour cela que j’ai dit que cet acte-là, pour moi, et je suis sûr et certain pour bien d’autres compatriotes, était propre, pacifique, courageux, salutaire et, enfin, patriotique. Oui ! à partir de ce moment-là, et je l’ai dit plus haut, le Gabon s’est libéré dans la douceur patriotique. 

Selon vous, qui doit-on féliciter : les leaders d’Alternance 2023 qui ont choisi un candidat consensuel et mobilisé le peuple derrière lui, en poussant Ali Bongo et son entourage à tricher massivement, ou les militaires qui ont stoppé le coup d’Etat électoral ?

Mais nous sommes en 2023. Pour moi, 2023 n’a été que la répétition, comme l’on dirait bis repetita de 2016. Parce qu’en 2016, c’est exactement ce qui s’est passé, à la seule différence qu’en 2023, les militaires ont pu se regrouper pour mettre un terme à ce combat que nous menions en 2016 comme en 2023 sur le plan démocratique. Donc pour moi, ce sont des choses qui vont ensemble. Et comme en 2016, bravo pour les acteurs à tous les niveaux. 

Lors de sa prestation de serment, le lundi 04 septembre, le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema a pris plusieurs mesures fortes, notamment le retour des exilés. Que ressentez-vous à l’idée de revoir, par exemple, Jean-Pierre Lemboumba Lepandou ? 

Le retour des exilés au Gabon fait partie de notre combat, parce qu’il n’y avait pas de raison que ces compatriotes se retrouvent, des années durant, hors de leur pays, tout simplement parce qu’ils ont eu le courage de dire la vérité. Un autre adage dit : « La vérité n’a pas de tombe et il n’y a pas de vérité que le temps ne révèle ». Où en sommes-nous aujourd’hui ? Qui a eu raison de l’autre ? Celui qui s’est expatrié ou celui qui, au départ, est la cause de cette expatriation ? Je pense que c’est ça la véritable question. Mais la décision prise par le président de la Transition était attendue. Elle est sage et je félicite le Comité de transition pour cette décision. Vous me posez la question de savoir qu’est-ce que je ressentirais de recevoir, par exemple, Monsieur Jean-Pierre Lemboumba ? Je vais vous le dire. Monsieur Jean-Pierre Lemboumba et moi nous connaissons depuis 1954 au collège Bessieux. Lorsqu’il arrivait en sixième, j’étais en classe de cinquième. Ensuite, nous nous sommes retrouvés au gouvernement, des années durant, autour du président Omar Bongo. Au sein du gouvernement et au sein du Parti démocratique gabonais (PDG). Revoir Jean-Pierre, c’est un énorme plaisir, une énorme satisfaction. L’un et l’autre, nous aurons certainement des choses à nous dire lorsqu’il fera son retour au Gabon. 

La libération du Gabon par Oligui Nguema et ses hommes a évité un bain de sang devant rééditer les crimes de 2016 et les règlements de compte à tous les niveaux. Partagez-vous cet avis ?

Je vous l’ai déjà dit lorsque j’ai qualifié l’acte du comité de transition. Vous n’avez qu’à vous reporter tout simplement à cette qualification et vous verrez, de toute façon, que la réponse est déjà donnée à votre question.

Avec ce changement à la tête de l’Etat, que peuvent être vos souhaits pour la nouvelle classe politique et, surtout, pour ceux qui viennent de prendre les rênes de l’Etat ?

Cher compatriote, le Gabon est malade et je l’ai toujours dit. Il est malade depuis des années et il faut le soigner, avec le concours des Gabonaises et des Gabonais. C’est pour cela qu’à ce niveau, mon souhait est que les Gabonaises et les Gabonais contribuent, aux côtés du Comité qui a été mis en place, afin que chacun apporte sa pierre. Et pour que chacun apporte sa pierre, il faut un certain nombre de principes, un certain nombre de règles. La première règle qui doit pouvoir s’instaurer au Gabon, c’est celle de l’exemplarité à tous les niveaux. Du sommet à la base. Avec l’exemplarité au sommet d’abord, au milieu ensuite, et à la base enfin, chaque Gabonais fera sa part en se remettant en cause, en faisant son autocritique et en amenant justement ce Gabonais nouveau à apporter sa contribution positive à la construction du Gabon. Voilà ce que je souhaite. Mais, cela doit être une action commune. Il faut détruire les mauvaises habitudes. Ceux qui pensent que le Gabon va se construire par la facilité, par des dons absolument inutiles, se trompent. Parce qu’on va chercher des objets en plastique, pensez-vous que tout le monde est incapable de s’acheter une cuvette en plastique ? C’est, à la limite, de la moquerie. On a procédé à des détournements pour les transformer en dons, qui n’avaient aucun sens. Il faut y mettre un terme. Voilà un peu tout ce que je souhaite. Un Gabon construit autour de l’unité, autour de la volonté commune de changement au profit de tout le monde. Un Gabon pour tous les citoyens et citoyennes gabonais. Un Gabon d’égalité des chances. 

Vous avez décidé, il y a deux ans, de vous retirer des affaires politiques. Le regrettez-vous ou c’était le bon moment ? 

Quand vous me regardez, voyez-vous en moi quelqu’un qui regrette quelque chose ? Je fais l’effort d’être un homme responsable. Cette décision, je l’ai mûrie et je l’ai prise depuis longtemps. Non seulement je l’ai prise, mais je l’ai également annoncée aux militants et militantes de l’Union nationale (UN). Je devais me retirer, parce que j’ai un âge où il faut pouvoir se retirer, laisser la place aux gens vraiment clairvoyants, qui aiment le Gabon, qui pensent Gabon et qui sont là pour se mettre au service du Gabon. Je ne regrette absolument rien. Je suis fier de la décision que j’ai prise. Et je suis absolument à l’aise dans celle-ci. Mais ce retrait de la vie politique ne m’interdit pas de réfléchir. La preuve, c’est que hier (mercredi dernier, ndr), j’ai été reçu au Palais Rénovation, afin de rencontrer le président de la Transition, qui m’a d’ailleurs très bien reçu, et je le remercie pour cela. 

Votre succession a été difficile à la tête de votre parti politique, l’Union Nationale (UN). Comment avez-vous vécu cette guerre intestine qui a fini par faire éclater cette formation politique, votre œuvre ?

Ecoutez, ce que j’ai voulu, c’est faire en sorte que ma succession se fasse sur la base des dispositions statutaires au niveau du parti. Il y a eu une élection, que je sache. Les deux camps ont été renvoyés presque dos à dos par les congressistes. Parce que le score était très serré entre les deux tendances. Cela veut dire que les congressistes ont dit aux deux parties de se retrouver pour travailler ensemble, pour sauver le parti. C’était ça la lecture. Comme cela n’a pas été le cas, ce qui est arrivé malheureusement est arrivé. Je n’ai pu que le regretter. 

Aviez-vous tenté une conciliation entre vos héritiers politiques ?

Les gens sont majeurs. Vous savez, lorsqu’on prend une décision comme la mienne pour dire qu’on se retire, cela veut dire qu’on fait l’effort de responsabiliser les gens et les voir justement faire les choses conformément à l’intérêt supérieur du parti. Non, je n’ai fait aucune démarche. Je suis resté à mon niveau, parce que j’estimais que c’était ça aussi le sens de la responsabilité.

Êtes-vous désormais serein pour l’histoire de notre pays ?

C‘est un autre Gabon qui va maintenant se reconstruire. C’est ça le sens de la réponse à l’une des questions que vous m’avez posées. Lorsque je vous ai dit que je suis heureux, je suis heureux de vivre ces moments-là. Ces moments de changement. Changement pour lequel je me suis battu depuis 2001. Je suis heureux. J’y apporterai ma modeste contribution dans ma retraite politique. 

Votre mot de fin, Monsieur le président ?

Les Gabonaises et les Gabonais peuvent se ressaisir maintenant et chacun doit faire le serment intérieur de servir le Gabon. De privilégier l’intérêt supérieur de la nation, parce que son intérêt se trouve à l’intérieur de l’intérêt général du Gabon. C’est pour cela que j’ai dit tout à l’heure que le mode de gestion de ce pays doit reposer sur l’exemplarité à tous les niveaux, du haut en bas. À partir de ce moment-là, chacun se rendra responsable et chacun apportera sa pierre à l’édifice. À partir de ce moment, il aura changé et il apportera sa participation pour un Gabon meilleur, celui que nous attendons depuis longtemps. Et je vous remercie pour l’intérêt que vous accordez à ma modeste personne.

Interview réalisée par l’hebdomadaire La Loupe

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