Gabon : silence du procureur Eddy Minang sur l’exfiltration nocturne de Sylvia et Noureddin Bongo

Attendu ce vendredi 17 mai 2025, le point de presse du procureur général près la Cour d’appel judiciaire de Libreville, Eddy Minang, censé apporter des éclaircissements sur la situation judiciaire de Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Noureddin Bongo Valentin, a laissé un goût amer. Car si l’on attendait une explication franche sur leur transfert nocturne vers Luanda, en Angola, l’éminent magistrat a soigneusement évité la question centrale : comment deux justiciables sous contrôle judiciaire ont-ils quitté le territoire national sans que cela ne soit évoqué ?
À en croire la lecture linéaire du procureur général, les décisions de mise en liberté provisoire des deux prévenus, accusés entre autres de détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux, faux, usage de faux et association de malfaiteurs, relèveraient d’une simple application humanitaire du code de procédure pénale. Le magistrat invoque des certificats médicaux et le principe fondamental selon lequel la liberté est la règle, la détention l’exception.
Un silence troublant sur un départ pourtant médiatisé à l’étranger
Mais la question que se posent les Gabonais est ailleurs. Cette mise en liberté provisoire, décidée le 14 mai par la Première chambre d’accusation spécialisée, est-elle synonyme d’un droit à l’exil ? Si les raisons médicales ont justifié leur sortie de prison, en aucun cas elles n’autorisent leur sortie du territoire. Et pourtant, Sylvia et Noureddin Bongo ont bel et bien quitté le Gabon, de nuit, pour rejoindre l’Angola. Un déplacement qui ressemble davantage à une évacuation politique qu’à une permission médicale.
En éludant totalement ce point dans sa communication, le procureur général contribue à entretenir le flou. Ce silence sur l’exfiltration renforce le sentiment d’inégalité devant la justice. Comment expliquer qu’un prévenu ordinaire, même malade, doive attendre des mois pour une autorisation de sortie, tandis que deux figures de l’ancien régime, au cœur de lourdes accusations, peuvent prendre l’avion en toute discrétion et quitter la juridiction qui les poursuit ?
La justice gabonaise face à un déficit de cohérence
Au-delà des articles 132 et 143 du code de procédure pénale brandis comme gage de légalité, c’est la cohérence de l’État qui vacille. Pourquoi tant de discrétion ? Pourquoi une présidence silencieuse ? Pourquoi une Agence judiciaire de l’État soudainement conciliante, là où elle se montre intraitable avec d’autres justiciables ?
L’exil non assumé de Sylvia et Noureddin Bongo pose une question brûlante : à quoi sert la procédure judiciaire si son issue, avant même un procès, est l’oubli diplomatique ? Et surtout, dans une République que l’on veut désormais « exemplaire », peut-on continuer à confondre humanitaire et impunité ?
GMT TV