Covid-19: le Gabon de Charybde en Scylla
Le pays s’endort à 18h, dès 15h des embouteillages monstres paralysent la capitale, des tensions et altercations çà et là. Tel est le lourd tribut des Gabonais face à la surenchère sanitaire.
« Quand un arbre tombe on l’entend ; quand la forêt pousse, pas de bruit...». C’est sur cette sagesse africaine que nous tirons la sonnette d’alarme sur l’ambiance générale qui prévaut dans le pays et notamment dans la capitale. Climat de tension sourd que les autorités compétentes feignent d’ignorer, au mieux par cynisme, au pire par politique de la terre brûlée.
De fait, depuis le 12 février dernier, date marquant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales, la forêt de stress, de tension et de colère ne cesse de pousser et d’écumer sous le silence des gouvernants sourds et adoptant une posture d’autruche face aux lamentations grandissantes de leurs concitoyens.
A s’y méprendre on croirait presque, obnubilés par les excellentes retombées financières engrangées par les précédentes mesures sanitaires initiées lors de la première vague (1200 milliards pour les tests PCR), nos gouvernants auraient reçu pour instructions de booster ces Kpis. Ainsi en sont- ils venus en (au mépris de) tout principe élémentaire du bon sens, à 1. Généraliser la présentation d’un test PCR négatif pour tout accès à un commerce, lieu de culte etc., 2. Instaurer le couvre-feu à 18h, fermer certaines activités informelles certes mais génératrices de revenus, etc. Autant de mesures floues procédant au mieux de décisions erratiques et prises au pifomètre, au pire du suivisme mimétique inspiré par l’ancienne puissance coloniale. Quoiqu’il en soit, elles ont été mal accueillies à l’unanimité par des populations de Gabonais déjà exsangues et qui n’en sont toujours pas revenues des 11 premiers mois de riposte.
Loin de nous l’idée de minimiser ou d’évacuer d’un revers de la main le danger de cette crise sanitaire dans le pays, au contraire nous n’en sommes que très conscient : le covid est bel et bien « … une réalité et pas un mythe…,» (sic) pour paraphraser notre Premier ministre. Cependant les solutions de riposte préconisées relèvent du tricotage, et révèlent non seulement une impréparation et incapacité des gouvernants à apporter des réponses justes, mais aussi et surtout l’aspect suicidaire et liberticide qu’elles induisent, ainsi que l’a si bien fait remarquer la campagne lancée sur les réseaux sociaux pour les dénoncer.
D’ailleurs aussitôt lesdites mesures rentrées en vigueur, plusieurs compatriotes ont été témoins de plusieurs altercations entre usagers de la route dans la capitale. Preuves s’il en fallait des tensions sourdes qui couvent, notamment parmi les franges des populations les plus démunies. Le constat est fait que 3 jours après l’entrée en vigueur de ces mesures, elles créent plus de problèmes qu’elles n’apportent de solution : fermetures des commerces, embouteillages monstres sur plusieurs kilomètres, des scènes de gens marchant en colonnes pour regagner leur domicile, tensions entre usagers de la route etc. Quid des risques psychosociaux de tant de pressions d’angoisses et d’incertitudes.
Au regard de tout ce qui précède, et toute proportion gardée, la capacité de résilience a des limites. Il n’est pas exclu que le mouvement s’intensifie sur les réseaux sociaux et prenne forme en dehors. Le gouvernement devrait avoir à l’idée que gouverner c’est prévoir, et non décevoir et par conséquent prendre toute la mesure des préoccupations de leurs concitoyens.
Kevin Racine
Citoyen gabonais