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Aymard Ngoua-Ona : « La diversification  économique est un élément clé du développement économique »

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La diversification économique reste un défi majeur pour les pays en développement ayant  la particularité de dépendre fortement des matières premières. L’objectif visé par cet article est (i)  d’éclairer davantage les décideurs économiques sur le concept de diversification économique et ses  indicateurs de mesure, (ii) de contribuer valablement à l’évaluation du degré de diversification  économique du Gabon et (iii) de proposer des mesures permettant d’implémenter une stratégie y  afférente. 

En effet, des analyses récentes démontrent que l’économie gabonaise souffre d’une forte  dépendance vis-à-vis du secteur des hydrocarbures. En conséquence, le Gabon devrait accélérer la  mise en œuvre d’un ensemble de mesures et d’initiatives pour soutenir et stimuler l’économie nationale, en vue de réduire l’ampleur des crises liées à la fluctuation des prix des matières premières et de créer les conditions d’un développement économique durable. 

Pour rappel, le débat sur la diversification économique remonte aux années 1930, lors de la  crise consécutive à la chute spectaculaire des cours des matières premières. La diversification  économique est un élément clé du développement économique dans lequel un pays évolue vers une structure de production et de commerce plus diversifiée. La faible diversification économique entraine souvent les pays de petite ou moyenne taille, géographiquement éloignés, enclavés et  fortement tributaires du secteur primaire, à avoir des structures économiques extrêmement concentrées. Elle aide à gérer la volatilité et offre une voie plus stable pour une croissance et un  développement équitables. Il convient également noter que plusieurs études ont montré les avantages procurés par la diversification en termes de dilution des risques.  

Sur les indices de mesure de diversification économique, il faut retenir qu’une économie est  dite diversifiée si sa structure productive est dispersée en un grand nombre d’activités différentes  les unes des autres par la nature des biens et services produits. Différentes mesures de la  diversification sont envisageables et ont été proposées dans les travaux antérieurs. Elles peuvent  être calculées à l’instar de : 

• la part d’un secteur donné dans le PIB total = Valeur ajoutée / PIB ; 

• la part des exportations d’un secteur donné dans les exportations totales = Exportations d’un secteur / Exportations totales ; 

• la part du budget généré par un secteur donné dans le budget total = Budget par secteur /  Budget total ; 

• la part de l’emploi d’un secteur dans l’emploi total = la part de l’emploi d’un secteur donné / la main-d’œuvre totale d’une économie.

A la lecture de cet histogramme, on relève que les activités pétrolières et minières  représentent tous secteurs confondus, près de 50% du PIB marchand du Gabon au cours des dix  dernières années. Ce ratio atteint 60% du PIB, si l’on intègre dans cette analyse les autres activités  du secteur primaire.  

Les indices de mesure de diversification économique tendent à confirmer que l’économie  gabonaise est spécialisée ou concentrée majoritairement sur les ressources extractives ; ce qui en  fait une économie vulnérable, car cet exposée à tous les risques liés aux variations des prix de ces  ressources sur le marché mondial. Conséquemment, il est primordial pour l’économie gabonaise  de mener une politique de diversification économique, afin d’atténuer les risques de volatilité liés à  la concentration de la structure de sa production et de ses exportations, pour ainsi engendrer une  croissance économique durable et inclusive. 

Pour ce faire, il serait opportun qu’en cohérence avec le Plan National de Développement  de la Transition, il soit adopté une Stratégie Nationale de Diversification de l’Economie Gabonaise  (SNDE), comprenant une neuvaine de mesures stratégiques telles que :  

1. le ciblage des branches d’activité qui devront désormais constituer le moteur de la  croissance de l’économie gabonaise. En effet, l’Etat gabonais devrait identifier une  dizaine de branches d’activité (i) pourvoyeuses d’emplois qui plus est moins qualifiés et (ii)  présentant des taux de rentabilité convenables (permettant aussi bien d’assurer les charges courantes  que de continuer les investissements structurants). Ces branches d’activité pourraient en grande  partie se trouver dans le secteur manufacturier. 

2. l’effectivité de la Loi sur la Décentralisation permettant de renforcer les  compétences des collectivités locales. Sous ce prisme, les démembrements locaux de  l’Etat central pourraient mobiliser des fonds auprès des bailleurs sous la forme de  Partenariat Public Privé, ou encore via le renforcement de la coopération décentralisée.  Cette mesure permettrait à l’Etat central de se départir d’une fonction opérationnelle pour la confier aux entités publiques de proximité. Dans cette configuration, l’Etat central  conserverait uniquement ses missions de contrôle et de suivi-évaluation.  

3. la mise en place de pôles économiques régionaux basés sur les spécificités des neuf  (9) provinces du Gabon. En effet, la dynamique impulsée par l’établissement des zones  économiques spéciales/zones d’investissement spéciales doit être poursuivie et renforcée  sur la base des caractéristiques des provinces et mise en perspective avec la mesure 1. A  titre d’exemple, le Woleu-Ntem pourrait constituer le poumon agricole du Gabon quand la  province de l’Ogooué Ivindo constituerait un pôle touristique du fait qu’elle abrite deux  parcs mondialement reconnus, notamment La Lopé et l’Ivindo.  

4. la sélection d’un panel d’entrepreneurs visant à créer une graine de champions  nationaux. Ces derniers sont à encadrer tant au plan technique que financier pour  assurer le contrôle des secteurs moteurs de croissance économique. En effet, comme  il a été observé tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergent, les Etats  accompagnent au travers des politiques de soutien les entreprises nationales (Gazprom,  Bombardier au Canada, EADS dans l’Union Européenne ou LVMH en France) pour faire  face à la concurrence étrangère, non sans entraver les règles élémentaires du jeu de la  concurrence. En conséquence, l’Etat gabonais devrait identifier des entreprises stratégiques 

à soutenir dans les secteurs éponymes. A toutes fins utiles, cette mesure devrait s’étendre  au plan sous-régional, car la CEMAC devrait pouvoir soutenir des champions régionaux.  

5. le renforcement de l’ancrage sous-régional. En effet, il est opportun de rappeler  qu’aucun développement du Gabon ne pourra se faire en vivant reclus sur lui-même. Au  contraire, le premier facteur de développement ou d’inclusivité de la croissance serait une  accélération du commerce intra-régional qui d’après les dernières estimations ne représente  que 4% du commerce extérieur des économies de la zone. Aussi, il faut relever que le  secteur manufacturier qui représentera le pilier principal de cette stratégie entraine des  productions importantes devant être absorbées par une demande potentielle. Par  conséquent, le Gabon qui ne représente que 4,4% de la population de la zone CEMAC ne  peut constituer le principal consommateur des produits issus des secteurs stratégiques  soutenus par l’Etat gabonais.  

6. la mise en place d’un fonds de garantie suffisamment abondé qui serait mis en perspective avec les activités de la Société de Garantie du Gabon (SGG) et de la  Banque du Commerce et de l’Entreprenariat du Gabon (BCEG). Cette mesure vise à  terme à créer une structure capable de réunir en son sein les missions remplies par ces deux  (2) entités. En d’autres termes, il est opportun de rappeler que la problématique du sous financement de l’économie gabonaise s’explique en grande partie par la faible qualité des  projets présentés au système bancaire, contraignant ainsi les Banques à solliciter des  garanties élevées pour mitiger le risque qu’elles pourraient encourir. Pour rappel, le système  bancaire gabonais dispose de fonds pour accompagner le secteur privé. Dans cette  hypothèse, cette structure aurait la latitude d’accompagner directement les projets jugés  éligibles, tout comme elle pourrait délivrer uniquement des garanties  bancaires/institutionnelles au profit des projets susceptibles d’être financés par le système  bancaire classique.  

7. l’accélération de la construction des infrastructures stratégiques (transports,  énergie, etc.) selon une planification préalablement établie. En effet, tous les  économistes s’accordent à dire que l’augmentation du niveau de production d’un pays  repose entre autres sur la disponibilité de certaines infrastructures de bases telles que  l’électricité, l’adduction en eau, les routes praticables en toute saison. Dans la même veine,  l’érection de pôles économiques régionaux dans l’arrière-pays devrait s’accompagner de la  mise en place des infrastructures susmentionnées pour permettre à l’intérieur du pays  d’acheminer aisément ces produits vers la capitale. Pour être plus exhaustif, les  infrastructures de base de première nécessité sont l’électricité, l’eau, la connexion internet,  les routes, les ports, le chemin de fer, etc.  

8. l’intensification de la production des consommations intermédiaires pour favoriser  une croissance durable et limiter la dépendance vis-à-vis de l’étranger. Pour rappel,  les consommations intermédiaires correspondent aux biens et services transformés ou  entièrement consommés au cours du processus de production. Ces biens et services sont  d’autant plus important que lors du processus de production la disponibilité des  consommations intermédiaires doit être parfaite, car une simple rupture ou retard pour une  quelconque raison même d’ordre logistique entrainerait une interruption du cycle de  production. Le secteur agricole est régulièrement concerné par ces situations, car de  nombreux opérateurs économiques se plaignent de l’indisponibilité des engrais et/ou des 

aliments nécessaires à la mise sur le marché des productions, entrainant ainsi des pénuries  sur le marché local. 

9. l’orientation des investissements publics vers les secteurs productifs à forte  employabilité. Cette mesure permettrait de créer un effet d’entrainement des  investissements publics effectués sur l’ensemble de l’économie, appréciable au travers des  indicateurs du carré magique de Kaldor. Pour rappel, Kaldor, économiste de tendance  Keynésienne identifie la croissance, l’emploi, l’équilibre extérieur et la stabilité des prix  comme indicateurs permettant de jauger la stabilité d’une économie. Pour le cas d’espèce,  l’Etat gabonais devrait retenir entre autres comme indicateur d’appréciation de  l’opportunité d’investir dans tel ou tel secteur, le nombre d’emplois créés. Cette situation  redonnerait du pouvoir d’achat aux ménages et s’assimilerait à une politique de relance par  la demande. 

En définitive, la politique économique menée par l’Etat gabonais devrait être de type « Policy mix » ou hybride, alternant entre politique de l’offre (au vu du faible niveau de  production du Gabon) et politique de la demande (au vu de la qualité du pouvoir d’achat  des ménages gabonais, nonobstant un PIB par tête estimé à 8 820 USD). 

A toutes fins utiles, rajoutons que ces 9 mesures incluses dans la stratégie nationale de  diversification de l’économie devront faire l’objet d’une déclinaison en plans d’actions  sectoriels et chronogramme de mise en œuvre pour un meilleur suivi.  

Aymard NGOUA-ONA 

Economiste-Gestionnaire de Projets Internationaux, Diplômé de l’Université Paris Est Créteil  et de l’université Paris II Panthéon Assas. 

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