Scandale sur la régulation des Jeux en ligne : pourquoi le Gabon ignore-t-il ceux qui le comprennent le mieux ?

Le paradoxe d’un Gabon qui veut réguler sans compétences nationales. Le 23 avril 2025, un arrêté ministériel a été signé dans un silence assourdissant, mais dont les conséquences pourraient s’avérer dramatiques. Par l’arrêté n°001551/MIS, le ministre de l’Intérieur désigne eTech SAS comme agrégateur national chargé de centraliser les opérations et flux financiers liés aux jeux et paris en ligne en République gabonaise.
Je reconnais dans cette décision la volonté affichée du Président de la République — à travers le ministère de l’Intérieur — de mettre de l’ordre dans un secteur en pleine expansion, mais jusque-là mal encadré, avec de nombreux flux échappant à la comptabilité nationale.
Le problème ? Certains individus, bien conscients des enjeux et des flux financiers considérables en jeu, n’hésitent pas à sacrifier les intérêts gabonais et à précariser des familles entières pour capter cette manne. Ces mêmes familles qui, le 12 avril 2025, ont placé leur confiance en Brice Clotaire Oligui Nguema pour un avenir plus juste.
Je reste convaincu que l’intention présidentielle initiale était noble : garantir intégrité, transparence et fiabilité. Mais l’exécution, elle, est en train de devenir une arme de destruction massive entre les mains d’une société inconnue du tissu numérique local.
Qui est eTech SAS ?
Présentée comme le fruit d’un partenariat public-privé avec une entreprise canadienne, eTech SAS reste une énigme. Aucune information sérieuse n’est disponible sur ses dirigeants ou ses références. Et pourtant, cette structure récente, sans historique, sans transparence, se voit confier le monopole d’un secteur stratégique.
Derrière cette décision technique se cache une réalité brutale : des centaines d’emplois gabonais menacés, des entreprises locales écartées, et la souveraineté numérique du pays mise à mal au profit d’intérêts étrangers.
Si eTech SAS maîtrisait réellement les enjeux technologiques de ce secteur, elle aurait choisi un schéma d’intégration plus cohérent et respectueux des réalités locales. Son manque d’ancrage et de vision en témoigne.
Un parfum de collusion
Le plus troublant dans ce dossier : un courrier daté du 14 avril 2025, émanant d’eTech SAS, informait déjà plusieurs opérateurs de sa future désignation exclusive. Ce document précède de plus d’une semaine la signature officielle de l’arrêté. Une chronologie pour le moins suspecte, qui alimente des soupçons légitimes de collusion, d’entente préméditée, voire de favoritisme institutionnalisé.
Ce scénario n’est pas inédit. Au Cameroun, une initiative semblable — tentant d’imposer un agrégateur unique dans les jeux en ligne — avait été immédiatement stoppée par la Présidence, après protestation des acteurs du numérique.
Le Gabon veut-il vraiment rééditer une erreur déjà documentée ailleurs ?
Où sont passées les promesses de rupture ?
Le Président de la Transition avait promis une gouvernance nouvelle, transparente, axée sur la promotion des compétences locales. Une circulaire présidentielle en date du 5 mai 2025 allait même dans ce sens.
Or, cette décision va à l’encontre de ces engagements. Elle ne renforce pas le tissu économique local, elle le fragilise.
Au-delà d’un simple arbitrage administratif, c’est une question de souveraineté économique et numérique. Confier un secteur porteur à une entité sans légitimité locale revient à brider un écosystème naissant, et à étouffer les efforts de jeunes entrepreneurs qui investissent sans relâche pour faire avancer leur pays.
L’urgence du bon sens
Le numérique n’est pas seulement une affaire de technologie. C’est une affaire de vision, de justice et de souveraineté. Les entrepreneurs gabonais n’attendent pas de faveurs. Ils veulent des règles claires, équitables et respectées.
Ce qui se joue ici dépasse le cadre des paris en ligne. Il s’agit de l’image du Gabon, de la confiance des investisseurs, et de l’espoir d’une jeunesse qui croit encore au progrès par l’innovation.
J’exhorte les plus hautes autorités à revenir à l’esprit initial de la réforme et à corriger une dérive potentiellement destructrice.
Il est encore temps de choisir la compétence plutôt que la connivence, l’intérêt national plutôt que les arrangements privés, la transparence plutôt que l’arbitraire.
Le Gabon ne peut pas prétendre à la modernité tout en recyclant les vieilles recettes de l’opacité. Nous valons mieux que cela.
Gwenael NZE DE SOUZA
Directeur, NDSG SERVICES
GMT TV