Retour de Ndemezo’Obiang au PDG : le peuple gabonais est-il otage de la farce politique qui se répète à l’infini?
C’est un phénomène qu’on observe à l’approche de chaque élection au Gabon. Le nomadisme politique qui bat son plein depuis des décennies est semblable à un jeu d’échecs auquel se livrent allègrement nos politiciens. D’ailleurs, la transhumance atteint des sommets chez nous. Loin d’être une stratégie politique noble, ce fait apparaît désormais, à de nombreux Gabonais, comme étant la distraction favorite de certains leaders politiques.
L’histoire politique du Gabon ressemble, à bien des égards, à un scénario déjà écrit qui se répète à l’infini. Car, si la substance de cette mise en scène reste intacte avec, à chaque saison, quelques (vrais-faux ?) rebondissements et coup d’éclat qui peuvent donner l’impression que les choses bougent, il n’en est rien, en fait. Au Gabon, on prend toujours les mêmes et on recommence.
2023 en ligne de mire, la foire est ouverte ! La politique est, en principe, une question de conviction et du don de soi au service du peuple, afin d’améliorer son quotidien. La perspective de l’élection présidentielle à venir fait renaître les vieux démons de la politique nationale. En justifiant ce qu’il a appelé une fusion-absorption, qui consisterait pour son parti à intégrer le PDG, René Ndemezo’Obiang a invité ses « frères et sœurs, héritiers spirituels au plan politique d’Omar Bongo Ondimba qui ont quitté le PDG à surmonter nos divergences et à y revenir pour bâtir ensemble […] ce Gabon qui nous est cher ». Ainsi, se justifie le nomadisme politique intemporel profondément ancré dans les mœurs de notre République. Tout pour le pouvoir, rien que le pouvoir.
La logique de conservation absolue du pouvoir, et des avantages indus qui s’y rapportent, permet de s’adapter à toutes les crises, aux fâcheries « fraternelles » et aux désertions sporadiques. Les « amitiés » politiques chancellent de temps en temps, au gré des humeurs et intérêts qui parfois divergent, mais très vite la raison revient, le destin doit s’accomplir. Il y a énormément à gagner, et beaucoup trop à perdre.
Vagabondage politique, absence d’idéologie et logique de survie. Selon Daniel Mayer, la démocratie implique, pour son bon fonctionnement, (1) une majorité chargée d’élaborer et d’appliquer la politique acceptée par le plus grand nombre et, (2) une opposition à la fois critique et constructive. Encore faudrait-il que l’une et l’autre sachent quels sont leurs rôles respectifs.
Au Gabon, du jour au lendemain, on quitte un parti politique pour adhérer à un autre, le plus souvent aux idéaux totalement opposés. C’est une facheuse habitude. Si les politiciens gabonais n’ont pas inventé le nomadisme politique, ils auront tout de même contribué, dans notre pays, à hisser ce travers de la politique à des sommets rarement atteints ailleurs. Entre eux, d’ailleurs, les partis de la majorité s’arrachent des militants.
De nombreux rapprochements sont contre-nature, car sans projet politique cohérent quand celui-ci n’est pas mal perçu par le peuple gabonais qui n’en connaît d’ailleurs ni les tenants ni les aboutissants. La vie politique gabonaise semble être rythmée par la cupidité et la trahison.
Les cas les plus récents sont notamment ceux de Bruno Ben Moubamba et Pierre Claver Maganga Moussavou (anciens candidats à l’élection présidentielle), Patrick Eyogo Edzang et Estelle Ondo (issus de l’Union nationale), Jean de Dieu Moukagni Iwangou et Michel Menga M’Essone, qui avaient tous rejoint le gouvernement avec armes et bagages.
Opportunismes de circonstance
Le nomadisme politique apparaît donc comme une action opportuniste des leaders politiques gabonais. En général, en contrepartie de leur adhésion ou soutien, ils peuvent soit obtenir ou conserver des privilèges, soit échapper à des poursuites judiciaires en lien avec leur gestion passée de la chose publique. La transhumance apparaît comme une forme de survie qui renforce la politique par le bas.
Avec l’échéance capitale à venir, la transhumance est plus que jamais d’actualité ; car, le mercato politique est ouvert. Le nomadisme se manifeste de différentes façons selon les circonstances. Qu’on ait vilipendé le PDG et son président, quelques temps auparavant, ou défendu les couleurs de l’opposition, cela importe peu. Il faut exister opportunément et politiquement, quel qu’en soit le prix à payer. La transhumance observée traduit donc les limites de l’opposition gabonaise dont les membres, pour des ambitions personnelles, migrent vers la majorité au pouvoir. Toute chose qui concourt dangereusement à désacraliser la parole politique.
Gregue Nguele, Editorialiste