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Plaidoyer pour une reprise du championnat national: Sortir la jeunesse gabonaise d’une discrimination sociale 

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L’une des spécificités de la condition humaine, comme peut l’attester la  fréquentation des croyances religieuses ou profanes, se caractérise par une quête  de bonheur par le choix d’un métier ou d’une activité pourvoyeuse de revenus.  Le climat anxiogène que dicte la covid-19 à l’ensemble de la planète depuis  deux ans, a démultiplié auprès de tous, des anticorps de résiliences, pour une  aspiration inextinguible vers une vie, certes fragmentée, mais plus accomplie.  Plus que jamais, l’Homme s’est employé à domestiquer la fugacité de  l’existence. 

De mon point de vue, cette ode à la vie est un des ressorts qui a guidé les  gouvernants des instances internationales de football (FIFA, UEFA, CAF) et  nationales (les fédérations des différents pays), à enclencher tous azimuts,  même sans public, les différentes compétitions de football à travers le monde.  Se pose alors, la loi d’exception gabonaise. Jusque-là, les pouvoirs publics  restent sourds devant les cris d’orfraie des acteurs et passionnés de football qui  réclament la reprise du championnat. L’abrogation de l’arrêté N°0204 /PM du 4  novembre 2020 n’est toujours pas d’actualité. Les esprits retors ou avertis entrevoient un agenda caché. Oubliés les moments d’allégresse déclenchés par  le parcours honorable des Panthères au Cameroun et l’emblématique antienne :  « Boupendza n’est pas hors-jeu », on devrait sans affect ni pathos, reposer la  question du redémarrage de notre championnat national de football, au risque  de battre tous les records d’inactivité d’un championnat dans le guide Guinness

Pour sortir de cette situation alarmante, mieux encore, ubuesque, voire indigne,  c’est comme le professe Aristote, dans sa Rhétorique : se départir d’une ligne  de partage entre ce que l’on admet comme acceptable et ce que l’on considère  comme intolérable. Vraisemblablement, l’indignité est à géométrie variable  selon que le joueur du tam-tam ou du vuvuzela –c’est selon- est un journaliste  français- en l’occurrence Romain Molina qui déclencha dans les médias le  « Capellogate » – ou les anciens internationaux Rémy Ebanega, Stéphane  Nguema, ou ceux en activité comme Didier Ndong, Axel Meye, Bruno Ecuele  Manga …- et nous autres, qui apportons notre modeste contribution pour la  reprise du championnat national de football dans notre pays.

A mon sens,et pour emprunter à la catégorisation éclairante du sociologue  français, Pierre Rosanvallon (2021 : 92, Les épreuves de la vie. Comprendre  autrement les Français.), l’absence du championnat de football au Gabon  témoigne au moins de trois faits discriminants qui sont : économétriques,  expérimentaux et psychologiques. 

En premier lieu, à l’ère de la mondialisation où le football n’est plus un fait  social marginal mais économique. L’organisation régulière d’un championnat  pour un pays qui a englouti près de 700 milliards de francs cfa pour organiser  deux coupes d’Afrique des nations en 2012 et en 2017, est une nécessité 

cardinale ne serait-ce que pour l’entretien et la fréquentation de ses stades de  football, comme l’a rappelé fort adéquatement le dernier reportage de France 24 sur ce sujet. Par ailleurs, la relance d’un championnat peut susciter de  l’attractivité auprès de nombreux opérateurs économiques, sans oublier les  poches d’emplois que pourraient générer cette activité (billetterie, hôtellerie,  transport, médias, publicité, …). L’éclosion des talents, assurément, pourrait  aussi faire entrer des devises dans les équipes de football, d’autant que, la  détection des nouveaux footballeurs s’inscrit dans « l’économie du talent » (P.  Rosanvallon, op. cit. : 21), c’est-à-dire l’univers dans lequel un travail  individuel tel que le football permet de créer et de dominer un marché. 

En second lieu, et l’on atteint les degrés très élevés d’injustice sociale, sur un  plan axiologique, les footballeurs gabonais sevrés de championnat national  vivent une « discrimination expérimentale » en lien avec le choix d’une  corporation, d’un métier : gagner sa vie en jouant au football. A l’heure où  même les émotions sont mondialisées : on s’émeut de manière synchrone des  discriminations de la couleur de la peau (Black Lives Matter), des choix sexuels  (LGBT), de la défense des animaux (l’international de football français Kurt  Zouma est en train de vivre en ce moment une amère expérience à cause d’une  maltraitance constatée et amplifiée par les médias avec… ses deux chats). Dès  lors, comment comprendre le silence assourdissant des gouvernants gabonais qui  s’obstinent à empêcher leurs jeunes compatriotes d’exercer et de vivre librement  de leurs professions ! O tempora, o mores

La troisième approche discriminante est psychologique. Elle met en saillance  l’état de détresse d’une jeunesse footballistique en proie à un mal être social.  Condamnés à multiplier des emplois de seconde zone et à vivre quasiment de  l’aumône, les footballeurs gabonais apparaissent comme une masse populaire, le  vulgum pecus, les laissés-pour-compte vulnérables de la société. Cet état de 

déliquescence d’une frange importante de la jeunesse chosifie et dénature le  jeune footballeur, confronté aux difficultés d’intégration dans la vie sociale en  rétrécissant extraordinairement son horizon d’opportunités pour se réaliser en  tant que sujet. 

Pour le dire autrement, refuser sempiternellement aux jeunes footballeurs  d’exercer librement leurs métiers, est un acte discriminant en tant que cette  disposition restreint un corps social, les jeunes, mais aussi une corporation, les  footballeurs, d’exercer en toute quiétude leur métier et gagner ainsi dignement  leur vie comme tous les autres travailleurs gabonais.  

Au nom de la construction d’une citoyenneté commune, d’un vivre-ensemble  équitable, du respect du choix des professions de chaque être humain, d’une solidarité bantoue agissante dans notre corps social, et de « l’impératif  catégorique » cher au philosophe E. Kant qui montre l’universalité des lois et de  la morale, il serait plus que louable qu’on organisât dans des délais diligents la  reprise effective du championnat national de football au Gabon. 

Pamphile MEBIAME-AKONO 

Ancien footballeur de la première division nationale au Gabon 

Professeur Titulaire des Universités de Linguistique, spécialiste en  Pragmatique Des Interactions Verbales (Université Omar Bongo)

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