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Gabon : une transition politique à l’épreuve de l’Africanisation de la paix

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Cinq mois après le coup dit « de libération » du CTRI, la transition politique au Gabon ne cesse de faire parler d’elle, tant le rocambolesque frôle le pédagogique. Le contexte historique politique dans lequel a évolué le Gabon depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale a connu bien d’éclats mais il n’est pas faute de dire que ces apparats n’ont véritablement pas transformé, de manière méliorative, le quotidien des populations de ce « petit pays » aux richesses immenses. 

Depuis le 30 août dernier, le Gabon connait une période politique au terme de laquelle il est attendu un certain nombre de réalisations. « La Restauration des Institutions », dit-on ! Si la politique des promesses s’était, sous Ali BONGO ONDIMBA, érigée en véritable religion, le CTRI s’est démarqué notoirement et en si peu de temps, en accolant les actes à la parole. 

En dissolvant les Institutions, le CTRI a ouvert un nouvel horizon pour de nombreuses générations qui avaient perdu toute confiance dans la politique gabonaise du fait du régime dit « Bongo-PDG ». La soif d’un autre jour est grande et devrait surtout s’étendre davantage afin de ne perdre de vue aucun élément primordial de cette transition politique qui pourrait en effet donner des leçons à l’Afrique tout entière, à condition de ne pas se laisser aller dans l’ivresse du pouvoir.

Cette posture qui a fait naître un sursaut d’espoir chez le peuple gabonais a été salué avec un particularisme euphorique au point que plus d’un, dont quelques collaborateurs du Président de la Transition, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, se sont livrés à des considérations quasi-messianiques du genre « le Moïse du Gabon ». Toutefois, l’action du CTRI semble, inexorablement, avoir fait l’unanimité. C’est un fait !

Le CTRI a en effet rassemblé le peuple gabonais autour d’un idéal commun : le « Gabon d’abord », tant cher à feu le Président Léon MBA, exhumé de son passé macabre mais surtout incompris. Cet exploit de rassemblement s’est opéré sans distinction de groupes socio-ethniques, confessionnels, de genres, de niveau d’instruction ou classes sociales, encore moins de catégorisation par âges ni même de bords et d’opinions politiques, tant il est vrai que plusieurs voix dissidentes souffraient tapis dans la pénombre du fameux parti de masse, PDG.

La Restauration des Institutions ne serait actée sans prendre en compte la Restauration de la dignité des populations qui avaient fini dans le désarroi total et la résignation la plus absolue devant la toute-puissance de certaines communautés étrangères qui brandissaient à tout va le très méprisant « Je suis plus gabonais que toi », du fait de leurs accointances avec les hommes du régime déchu. Qu’en est-il aujourd’hui ? Entre spoliations de biens ancestraux, les procès corrompus, les assassinats et enlèvements, les enquêtes sans issues, la loi du plus aisé, la clochardisation des populations, les crises et conflits homme-faune, les services publics (hôpital, eau, électricité, routes, école…) misérables, l’exode rural, l’arrogance des expatriés (sans xénophobie aucune), la prise en compte des milliers de diplômés toujours au chômage, le marchandage des postes budgétaires, les salaires à minima et parfois impayés, les retraités sous considérés et parfois lynchés, les étudiants, la promotion de sous-valeurs (mœurs)…, en effet, le tableau est grandement fourni et le gabonais aimerait bien sortir du désormais sempiternel « on va encore fait comment ? ». 

Devant la stupeur et les rêves brisés, le CTRI s’est illustré en ensoleilleur et porteur d’espoirs. Parmi les bénéficiaires de son action, les retraités, longtemps méprisés, se positionnent en tête de rang. Les victimes d’intempérie, les populations de l’arrière-pays avec les travaux de réaménagement des grandes voix et axes routiers et même ferroviaires, la révision du prix des gaz et hydrocarbures, la rocambolesque question des bourses scolaires au secondaire, le dégel des recrutements à la Fonction publique. 

Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que toutes les composantes et sensibilités de la Nation ont été invitées à prendre part à la Grande Concertation Nationale d’avril prochain pour une révisitation de la qualité de nos rapports entre filles et fils du pays. En effet, peu à peu, les gabonais tentent de sortir du cauchemar dans lequel ils ont trop été longtemps plongés… Au constat, prétentieuse serait toute tentative de vouloir tout expliquer, tant est non exhaustive la liste. 

Si les réalisations sont multiples, les attentes demeurent cependant vives et la soif des populations est encore plus grande. En effet, le panier de la ménagère est davantage lourd et se nourrir dignement devient un luxe, n’en déplaise à ceux qui veulent faire croire le contraire au Chef. Le prix du pain est poids et seuls les plus nantis ne s’en offusquent pas. Le transport, toujours, dans sa majorité écrasante, aux mains d’expatriés, ne semble pas aider à l’allègement les éternels abonnés au « taxi » au grand dam des efforts que continue de faire le ngori national… 

Comme le disait l’autre : « Beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire ». Mais de quel temps dispose exactement le CTRI si ce n’est que des deux années de la durée de la Transition ? 

Lorsqu’il y a cinq ans, l’ancien régime gelait les concours et recrutements pour la Fonction Publique, les âges, les espoirs et les diplômes se sont-ils eux-aussi gelés ? Que fait-on de ceux qui avaient entre 27 et 30 ans à ce moment-là lorsque la tendance semble être à la marge de 33 ans actuellement ? Autant de questions qui fâchent. Le moment est-il mal choisit pour en parler ou faudrait-il attendre la Grande Concertation Nationale ? Toutefois, le gabonais veut qu’on l’écoute davantage et que les engagements pris soient traduit en actes pour donner du sens à la Transition.

Rappelons que l’africanisation de la paix désigne la recherche de solutions africaines aux problèmes africains par des moyens africains, et au constat, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA ne semble pas déroger à ce principe quand il parle « Gabon d’abord ». Dans cette logique que peut-on reprocher au CTRI dans la gestion de ce qui est actuellement ? 

Ce « coup de libération », bien que militaire, n’est pas pour l’Armée seule car elle-même est garante du peuple et le CTRI semble l’avoir compris. En effet, il est d’autorité publique que l’Armée est, dans sa grande majorité, bénéficiaire d’un plus large traitement et cela ne se discute pas dès lors qu’elle œuvre au quotidien à la stabilité du territoire à travers ses rôles de sécurité et de défense. Les bénéfices de cette nouvelle page de l’Histoire du Gabon doivent cependant porter les couleurs de la Nation, sans distinction aucune, comme semble en témoigner la préparation de la Grande Concertation Nationale qui pointe à l’horizon.

La restauration doit s’opérer à un niveau multidimensionnel car la libération doit-être totale pour la gestion du nouvel État naissant. Par ailleurs, est-il plus que judicieux d’adjoindre à cette « Restauration étatique », la « Restitution des droits et valeurs » perdus du peuple gabonais, via la prise en compte de nos savoirs endogènes car cela est garant de la Paix sans cesse clamée, tant ces derniers savent être l’altimètre entre toutes les précédentes Assises Nationales qu’aura connu le Gabon, et les prochaines.   

Dr. Yvan Comlan OWOULA B, Spécialiste des Relations Internationales, Affaires politiques, Gouvernance, Paix, Sécurité et Cohésion sociale

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