Gabon : un marché colossal de 10 milliards confié à une PME par entente directe
Dès sa prise de fonction en septembre dernier, le gouvernement de transition annonçait vouloir mettre fin à un phénomène qui a longtemps gangrené l’attribution des marchés publics, à savoir : le gré à gré ou marché par entente directe. Il faut dire que ce mode de passation de marchés, considéré comme une plaie pour notre économie, s’est totalement libéralisé sous le règne d’Ali Bongo Ondimba. Pourtant, malgré toutes ces annonces faites aussi bien par le ministre en charge des Comptes publics que le Premier ministre, lesquels indiquaient vouloir « rétablir l’appel d’offres comme mode de passation des marchés publics conformément à l’article 71 qui prévoit 15% pour le gré à gré », rien n’y fait. Résultat, sous l’ère de la transition, des marchés allant jusqu’à 10 milliards de FCFA, sont offerts à des PME, inconnues du grand public et sans réelle expertise.
En 2023, selon un rapport de la direction générale des Marchés publics, au moins 189 marchés par entente directe ont été conclus, pour près de 264 milliards de FCFA soit 189 marchés. Le chiffre est ahurissant et confirme les difficultés actuelles du pays en matière de gestion des finances publiques d’une part et de gestion des investissements de l’autre. Fort de ces constats, le gouvernement de transition qui entend déployer un chapelet de projets d’infrastructures, annonçait de grandes réformes. Parmi elles, le « rétablissement de l’appel d’offres comme mode de passage de principe des marchés publics conformément à l’article 71 qui prévoit 15% pour le gré à gré ». C’est du moins ce qu’annonçait Charles Mba en décembre dernier chez nos confrères de Gabon Matin.
10 milliards de FCFA par entente directe, le marché de la discorde
Des propos renforcés quelques semaines plus tard par le premier ministre Raymond Ndong Sima, à travers un haro contre cette pratique. Il faut dire que dans ce domaine, la précédente administration était complètement à côté de la plaque. D’ailleurs, selon l’indice Mo Ibrahim 2023, avec un score de 12,5/100, le Gabon est 44ème sur les 52 pays africains en matière de Procédures de passation des marchés publics. Pourtant, malgré toutes ces annonces et ces faits marquants, force est de constater qu’un marché d’un peu plus de 10 milliards de FCFA, aurait été accordé à une PME dénommée Morgan BTP pour des « travaux d’entretien des routes en terre et la construction d’ouvrages d’art ».
Un marché cela va sans dire, conclu par entente directe et qui avait, selon nos informations et à la lecture d’un document signé du directeur général des marchés publics (DGMP), reçu l’assentiment du controversé DGBFiP, suspendu depuis peu. Mais alors, comment une telle procédure a-t-elle pu seulement se retrouver sur la table du DGMP ? Étant entendu qu’à l’arrivée du CTRI, « la tendance dans les marchés publics était de 20/80 en défaveur de l’appel d’offres ». Qui se cache derrière cette société à deux doigts de passer les mailles du filet de la passation de marchés, et qui s’apprêtait à engloutir plus de 10 milliards de nos francs pour des travaux dans les cantons Nye et Mboa?
Des questions qui trouvent un début de réponse en la suspension « jusqu’à nouvel ordre » d’Aurélien Mintsa Mi Nguema de ses fonctions de DGBFiP, et dans la visite du ministre des TP, le général Flavien Nzengui Nzoundou le week-end écoulé dans le Woleu-Ntem. Des questions qui en entraînent également d’autres sur le financement des marchés publics en cours, concernant notamment la réhabilitation des voiries urbaines. Car oui, alors que le CTRI annonçait plusieurs marchés allant jusqu’à 150 millions de FCFA pour des PME locales, force est de constater que les mêmes héritent de la quasi-totalité des marchés, c’est le cas notamment de CITP de l’entrepreneur malien Seydou Kane, proche du président déchu Ali Bongo Ondimba.
Quand on sait qu’au 31 mai 2024, ce sont plus de 606 milliards de FCFA qui ont été ordonnancés au titre des dépenses publiques, pour un taux d’exécution de près de 25%. Quand on sait que ces dépenses n’intègrent pas « les dépenses payées sans ordonnancement préalable par les services du trésor » comme l’a lui-même indiqué aux députés, le DGBFiP désormais suspendu de ses fonctions. Difficile de dire si d’autres marchés de ce type ne sont pas passés sous les radars depuis le début de l’exécution budgétaire. Autant d’éléments qui renvoient aux récentes conclusions du FMI sur la gestion globale de nos finances publiques, et qui pourraient également valoir des explications à l’actuel DGMP.
MAINTENANT IL FAUT QUE LE DGBFIP SUSPENDU SOIT INTERPELLE ET ENTENDU DEVANT LES JURIDICTIONS COMPETENTES. QUAND CE SONT LES AUTRES ILS SONT ENVOYES A SANS FAMILLE.