Gabon : le Sénat de la transition rejette la ratification du statut de la Cour islamique internationale de justice

Comme échaudé par l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) du 19 mai dernier dans l’affaire du différend frontalier entre le Gabon et la Guinée équatoriale, le Sénat de la transition a décidé, mardi 20 mai, de repousser le projet de loi autorisant la ratification du statut de la Cour islamique internationale de justice. Une décision qui tranche avec celle de l’Assemblée nationale, pourtant favorable à la ratification.
Une décision majoritairement politique ? Lors de cette plénière inaugurale de la 5e République, tenue au Palais Omar Bongo Ondimba, 22 sénateurs ont voté contre, 17 pour, et 8 se sont abstenus. Un revers pour le gouvernement, représenté dans l’hémicycle par le ministre chargé des Relations avec les institutions, François Ndong Obiang. « Le gouvernement sera informé de la non-adoption par le Sénat de la loi de ratification qui a pourtant été adoptée par l’Assemblée nationale », a déclaré Jean-Robert Goulongana, premier secrétaire du Bureau du Sénat de la transition.
Si les membres du Sénat assurent qu’il ne s’agit pas d’un rejet motivé par le récent arrêt de la CIJ, qui a octroyé la souveraineté des îles Mbanié, Conga et Cocotiers à la Guinée équatoriale, le timing de cette décision alimente de nombreux soupçons. Dans les couloirs du Palais, certains évoquent un réflexe de prudence, voire de défiance, vis-à-vis des juridictions internationales, dans un contexte où la souveraineté nationale se voit perçue comme affaiblie.
Une ratification attendue depuis plus de 40 ans. Créée par l’Organisation de la coopération islamique (OCI) lors du sommet de La Mecque en janvier 1981, la Cour islamique internationale de justice peine à voir son statut entrer en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications. Bien que le Gabon soit membre de l’OCI, il n’avait jusque-là jamais franchi le pas. Le cinquième sommet islamique, tenu au Koweït en 1987, avait pourtant renouvelé l’appel à ratification. Récemment, les 11 et 12 février 2025, un forum de haut niveau organisé par l’OCI avait de nouveau incité ses membres, dont le Gabon, à formaliser leur engagement.
Entre diplomatie et souveraineté
Ce rejet par le Sénat met en lumière une tension croissante entre volonté d’ouverture diplomatique et crainte de perdre la maîtrise des arbitrages internationaux. Alors que le Gabon tente de repositionner sa diplomatie dans le concert des nations, cette décision pourrait être perçue comme un signal de repli stratégique, au moment même où la souveraineté territoriale du pays est perçue comme ébranlée.
Il reviendra désormais au gouvernement de convaincre les sénateurs lors d’un éventuel second passage, ou d’ouvrir un débat national plus large sur les implications réelles d’un tel engagement. Car si la foi en la justice internationale reste une aspiration, la récente perte de Mbanié reste, elle, une blessure encore vive.
GMT TV