Loïse Tamalgo: «Pour assurer la relance des économies africaines, il faut sauver les Micro, Petites et Moyennes Entreprises»
Les signaux économiques post-Covid semblent tourner au vert, si l’on en croit les nouvelles en provenance des marchés financiers. En effet, c’est une première pour une entreprise : Apple a passé la barre des 3 000 milliards de dollars américains de capitalisation boursière. A elle seule, la firme de Cupertino dépasse toutes les entreprises du CAC 40 réunies, qui pèsent au total environ 2 446 milliards d’euros, en capitalisation, selon les analystes financiers. Le réveil des grandes entreprises, des mastodontes, est lu comme un réveil économique. Pourtant, ce réveil tant attendu ne se fera pas sans les micro, petites et moyennes entreprises (MPME). En fait, ce sont ces dernières qui feront la relance économique au vrai sens du terme.
Les MPME forment la majeure partie du tissu économique de la plupart des pays
En effet, dans la plupart des pays monde, les MPME constituent 80 à 90% du tissu économique. Ces MPME emploient environ 70% de la main-d’œuvre de chaque pays. Cette réalité vaut pour les pays économiquement avancés comme pour les pays en voie de développement. Pour assurer une véritable relance économique, il faut toucher de manière positive la classe moyenne, car c’est elle qui fait la consommation et la dynamique économique. Les MPME, par l’emploi, sont celles qui favorisent la croissance des classes moyennes. En Afrique, environ 390 000 personnes étaient considérées comme faisant partie de la classe moyenne avant la crise, selon la BAD.
En France, selon la Confédération française de l’encadrement, les micro-entreprises, des entreprises avec moins de 10 salariés et produisant un chiffre d’affaire inférieur à 2 millions d’euros, et les petites et moyennes entreprises, qui emploient jusqu’à 250 employés et produisent un chiffre d’affaire inférieur à 50 millions d’euros, emploient 6,3 millions de salariés et produisent 43% de valeur ajoutée sur l’économie française. Par ailleurs, ces MPME activent l’innovation et favorisent la cohésion sociale et territoriale.
Le continent africain, quant à lui, a le plus grand nombre d’entrepreneurs, environ 20% de la population africaine. Les MPME génèrent 40% du PIB des pays sur le continent, selon la revue « Secteur privé & Développement » de Proparco SP&D 32.
Pourtant, ces MPME, vecteurs de dynamisme économique et de création d’emploi, sont les plus fragiles en raison de plusieurs facteurs.
Les MPME font face à de nombreux obstacles qui freinent la dynamique de la relance économique
Selon une étude menée en 2020 par le Centre du Commerce International, agence conjointe de l’Organisation mondiale du commerce et des Nations Unies basée à Genève, intitulée « Promouvoir la compétitivité des PME en Afrique francophone », un tiers des MPME africaines craignaient de faire faillite en l’espace d’un mois, contre 18% de grandes entreprises. La pandémie de la Covid-19 a tout simplement exacerbé les maux dont souffraient déjà la quasi-totalité des MPME.
Pourtant, la relance économique tant souhaitée, qui fait l’objet de toutes les recherches, de prédictions de tout acabit et d’efforts herculéens, ne se fera pas par le tissu des grandes entreprises à milliards de dollars de revenu. Elle se fera bien, et de manière incontournable, par un tissu de MPME en bonne santé.
Le premier mal dont souffrent les MPME est le marasme financier. Ces MPME ont une structure financière très fragile en raison de deux facteurs. Le premier tient au fait que les moyens financiers de ces MPME sont pris au piège par le non-apurement de la dette intérieure de la plupart des pays. Les pays gagneraient à insuffler de la vitalité dans leur tissu économique en mettant un point d’honneur à apurer leur dette intérieure, purement et simplement. Le deuxième facteur tient au fait que ces MPME n’ont pas accès au crédit, contrairement aux grandes entreprises. On les incrimine de ne pas avoir assez de garantie et de représenter un risque permanent. Or les grandes entreprises qui bénéficient de ces crédits sont le plus souvent celles qui constituent des « colosses à risque ». Les barrières au crédit, le manque de souplesse des banques, pourtant en surliquidité même dans les pays les moins avancés, sont de sérieux défis sur lesquels les gouvernements gagneraient à plancher sérieusement. Il faut créer des véhicules de garanties destinés à faire le pont entre les banques en surliquidité et les MPME qui peinent à se financer.
L’autre mal dont souffrent les MPME est la rigidité traditionnelle de leur structure et leurs méthodes. Le manque d’agilité fait que les coûts restent élevés et ces MPME restent très lentes pour s’adapter au nouveau rythme des affaires. Il faut donc une nouvelle manière d’opérer au sein des MPME, qui conduira à de nouvelles approches et des modèles d’affaires plus adaptés aux nouveaux besoins, habitudes et préférences des clients.
Par ailleurs, le ralentissement des affaires occasionné par la Covid éprouve fortement les MPME aux coûts fixes très élevés. Il est donc important pour les MPME de se digitaliser pour réduire drastiquement leurs coûts et augmenter leur rentabilité si elles veulent assurer leur survie au sortir de la léthargie économique occasionnée par la pandémie.
Enfin, il faut noter que de nombreux efforts ont été effectués par les Etats et les partenaires financiers pour aider les MPME africaines pendant la crise sanitaire. En mai 2021, la SFI a annoncé un investissement de 2 milliards de dollars en faveur des MPME en Afrique pour soutenir la reprise post-COVID-19. Des efforts sont faits, mais nous sommes encore loin de sauver le tissu des MPME, qui feront, en fin de compte, la vraie relance économique.
Loïse Tamalgo, Délégué général d’Eramet Afrique
GMT TV