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Loi sur les partis politiques : les données personnelles des gabonais à la merci du gouvernement ?

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Après plusieurs semaines de concertation et de débats, la nouvelle loi sur les partis politiques a été adoptée au terme du processus parlementaire, puis promulguée et publiée au Journal officiel. Au terme d’un compromis sur la délicate question du nombre d’adhérents requis pour créer ou maintenir une formation politique, le Parlement a finalement décidé de porter ce nombre à 10 000. Cette décision, déjà contestée par une partie de l’opposition, notamment Alain-Claude Bilie-By-Nze qui accuse le gouvernement de « caporaliser la démocratie », soulève une autre inquiétude plus profonde : celle du contrôle exercé par les autorités sur les données personnelles des citoyens à travers l’utilisation du Numéro d’Identification Personnel (NIP).

La réforme impose désormais à tout citoyen souhaitant adhérer à un parti politique de fournir son NIP (Article 20), et le dossier de légalisation du parti doit lui aussi comporter « un état d’adhésions de dix mille (10.000) adhérents au minimum mentionnant leur Numéro d’Identification Personnelle (N.I.P) répartis dans les neuf (9) provinces » (Article 25). Ce numéro, unique et nominatif, permettrait à l’administration de vérifier si les partis respectent le quota imposé de 10 000 membres. En pratique, cela signifie que le ministre de l’Intérieur, nommé par le président de la République, lui-même chef d’un parti politique, aura accès aux listes complètes des adhérents aux partis politiques, ce qui revient à exposer l’orientation politique de milliers de Gabonais. Une telle centralisation de l’information, sans mécanismes de contrôle indépendants, représente un risque sérieux pour les libertés individuelles.

Le NIP adossé aux listes d’adhérents, un danger pour la démocratie

Dans un contexte où l’administration reste fortement politisée et où les carrières peuvent dépendre de l’alignement politique, cette réforme ouvre la voie à de potentielles dérives. Les citoyens pourraient être marginalisés ou écartés de certains postes en raison de leur appartenance partisane. Le danger est d’autant plus grand que le NIP, appelé à devenir un outil de référence dans tous les aspects de la vie administrative, pourrait être utilisé à des fins de surveillance politique. Or, sur les 75 articles que compte cette loi, aucune ne fait référence à des garde-fous pourtant indispensables pour la préservation du pluralisme des idées.

Pour prévenir les dérives, cette réforme aurait dû s’accompagner de garanties solides : la mise en place d’une autorité indépendante de protection des données, l’anonymisation partielle des listes d’adhésion lors de leur vérification, ainsi qu’un droit d’accès et de rectification pour les citoyens. Sans ces garde-fous, la réforme pourrait involontairement consolider une logique de parti unique, dissuadant toute appartenance à une formation d’opposition par peur de représailles.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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