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Gabon : organisation des élections par le ministère de l’Intérieur, un retour en arrière assumé par le CTRI

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Quelle solution pour une organisation des élections libres, transparentes et crédibles ? C’est la sempiternelle question qui hante la classe politique gabonaise depuis l’avènement du multipartisme et à laquelle le Comité pour la transition et la restauration des institutions semble avoir trouvé « sa formule magique ». Si l’annonce du CTRI de confier l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur peut sembler à ce stade prématurée, elle dénote tout aussi d’une improvisation qui, une fois encore, ne permet pas de régler un certain nombre de préalables à la tenue d’élections non contestées. 

C’est une annonce à laquelle les Gabonais ne s’attendaient certainement pas à ce stade du processus. En effet, alors que le Comité constitutionnel national n’a pas encore rendu son projet de nouvelle constitution au chef de l’Etat et que la constituante ne s’est pas encore réunie, le CTRI a jugé utile de court-circuiter le processus en annonçant le retour à l’organisation des élections par le ministère de l’Intérieur. Une décision qui ne fait pas l’unanimité étant donné le passif de cette entité totalement dépourvue d’impartialité. 

Le ministère de l’Intérieur, une entité plus crédible que le CGE ?

Les autorités de la Transition ont justifié leur décision de confier l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur par une nécessité de se conformer à ce qui se fait de mieux au sein des grandes démocraties, et par le fait que le Centre gabonais des élections a démontré ses limites. Un argumentaire qui aurait pu tenir la route si le ministère de l’Intérieur n’avait pas déjà eu la charge d’organiser les élections par le passé. En effet, si l’une des recommandations sorties des Accords d’Arambo tenait à la mise en place d’un organe autonome et indépendant chargé de l’organisation des élections, c’est bien parce que le ministère de l’Intérieur, inféodé au pouvoir d’Omar Bongo, avait démontré son incapacité à garantir la transparence à la suite des élections qui ont eu lieu de 1993 à 2005.   

Si malgré la création de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP), organe indépendant qui avait pris le relai du ministère de l’Intérieur dans l’organisation des élections, puis son remplacement par le Centre gabonais des élections (CGE) à la suite des soubresauts de 2016, le problème est demeuré entier, peut-être faudrait-il avant toute chose poser le bon diagnostic. En effet, malgré les « progrès » apportés par la loi portant dispositions communes à toutes les élections politiques au Gabon, confiant au ministère de l’Intérieur la phase préparatoire des scrutins et au CGE, composé des membres de la majorité et de l’opposition, l’organisation des élections dans leur phase active et la proclamation des résultat, la question de la dépolitisation de l’administration est un préalable qui n’a jamais été réglé et que le CTRI n’a pas jugé utile de traiter avant toute décision telle que celle prise à la faveur du communiqué 061.  

Le CTRI met encore la charrue avant les boeufs 

Si la transparence et la sincérité des scrutins est l’objectif recherché par le CTRI, cette mesure prématurée suscite toutefois un certain nombre d’interrogations. Quelles garanties sur la question de la politisation de l’administration ? Comment assurer l’invulnérabilité des agents de l’Etat affectés à l’organisation des scrutins ? quid de la digitalisation du processus ? Si aucune réponse n’a été apportée à ces questions essentielles, le CTRI justifie en tout cas sa décision par une volonté de se conformer « aux grandes démocraties du monde », alors même que celles-ci ont définitivement répondu à ces préalables et peuvent se prévaloir d’une organisation des scrutins sans contestations. 


Quoi qu’il en soit, après cette décision, les réactions ne se sont pas faites attendre au sein de la classe politique. Ainsi, Pierre-Claver Maganga Moussavou, qui a une longue expérience des échéances électorales et notamment présidentielles, a qualifié cette mesure « d’incongrue et prématurée », appelant au passage le CTRI à se « ressaisir » et à laisser le processus se poursuivre.   

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