Gabon : le verrouillage du Port d’Owendo, une réforme punitive qui asphyxie les importateurs

Présentée comme une mesure de sécurisation du parc automobile, la réforme imposée par la Direction générale des Transports terrestres risque surtout d’étrangler un secteur déjà fragilisé. Derrière l’argument de l’homologation, se dessine une logique d’exclusion et de captation.
C’est une décision administrative lourde de conséquences économiques. En conditionnant, à compter du 21 février 2025, la sortie de tout véhicule du Port d’Owendo à la présentation d’un certificat d’homologation, d’une police d’assurance délivrée uniquement par un opérateur privé désigné, et d’un numéro d’identification temporaire, le ministère des Transports instaure une procédure rigide, qui freine dangereusement les importations.
Sous couvert de sécurité routière et de traçabilité, cette réforme ouvre en réalité la voie à une restriction déguisée des libertés commerciales. Car les importateurs professionnels comme occasionnels se retrouvent piégés dans un circuit administratif à sens unique, géré par deux entités privées – la Société d’Inspection et de Spécialisation (SIS) et SUNU Assurances – sans que les opérateurs économiques n’aient eu voix au chapitre.
Une réforme sans dialogue ni études d’impact
Au Gabon, où le secteur de l’importation automobile génère des milliers d’emplois directs et indirects, une telle réforme aurait mérité une concertation élargie, des simulations économiques et une période transitoire. Or, c’est l’inverse qui a été fait : une note administrative brutale, des mesures contraignantes immédiates, et aucune explication publique sur les coûts, les mécanismes de recours ou les garanties d’équité.
La logique du coup de force bureaucratique l’a emporté sur celle de la pédagogie républicaine. À Libreville comme dans les provinces, nombre d’importateurs dénoncent une réforme « inapplicable » dans les délais imposés. Plusieurs transitaires évoquent déjà des ralentissements majeurs dans les procédures de dédouanement, et des files de véhicules bloqués dans les entrepôts.
Un frein à la consommation populaire et à la relance économique
Dans un contexte de transition politique où les autorités disent vouloir relancer l’économie, cette mesure va à contre-courant. En restreignant l’importation de véhicules d’occasion, qui représentent l’essentiel du marché national, elle fragilise les ménages modestes, pour qui ces voitures sont souvent le seul accès possible à la mobilité.
« On ne peut pas parler d’autonomisation des jeunes, de développement des activités rurales ou de soutien au secteur informel, tout en verrouillant ainsi l’entrée des véhicules », dénonce un importateur basé à Franceville. « C’est une hypocrisie d’État. »
Captation déguisée ou privatisation des prérogatives publiques ?
La désignation exclusive de SIS pour l’homologation technique et de SUNU pour l’assurance pose également question. Quel appel d’offres a présidé à ce choix ? Pourquoi ne pas avoir laissé jouer la concurrence entre plusieurs assureurs ? Cette concentration des rôles, dans un secteur aussi sensible, ressemble à une délégation opaque de missions de service public à des intérêts privés.
Sans mécanisme de contrôle indépendant, ni transparence sur les coûts imposés aux usagers, cette réforme pourrait devenir un levier de rente. Les importateurs sont d’autant plus inquiets qu’aucune grille tarifaire officielle n’a été publiée à ce jour.
Conclusion : une réforme à revoir d’urgence
En voulant instaurer l’ordre au port d’Owendo, le gouvernement gabonais prend le risque de briser la dynamique d’un secteur vital. Une réforme utile peut-elle être juste quand elle est imposée sans dialogue, sans études préalables, et sans garde-fous ? La réponse est non.
Il est urgent que le ministère des Transports suspende l’application de cette mesure, ouvre un véritable espace de concertation avec les professionnels, et mette en place un cadre transparent, équitable et progressif. À défaut, cette réforme censée encadrer l’importation automobile risque surtout de provoquer une asphyxie économique et une défiance supplémentaire envers l’action publique.
GMT TV