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Entrepreneuriat : le pilotage à vue du gouvernement !

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Pour tenter d’amorcer le développement de l’entrepreneuriat au Gabon, les nouvelles autorités ont décidé de miser il y a quelques semaines sur la création d’une Banque pour le Commerce et l’Entrepreneuriat (BCEG). Si à première vue cette initiative peut sembler s’inscrire dans la dynamique souhaitée, puisque cette nouvelle entité s’est vu dotée d’un capital de 4 milliards de FCFA, avec du recul, l’idée ne semble pas si intéressante que ça. Au contraire, en l’absence de mesures d’incitations fiscales, de processus simplifiés d’enregistrement des entreprises et de réelles réglementations favorisant la croissance des petites entreprises, ces 4 milliards seront une fois de plus jetés par la fenêtre. 

Dans l’incapacité de réformer son administration pour optimiser ses dépenses. Dans l’incapacité de diversifier son économie pour favoriser la création d’emplois décents. Dans l’incapacité de mettre en œuvre de véritables politiques publiques à travers « des incitations fiscales ciblées permettant aux entreprises d’embaucher une main d’œuvre à la fois jeune et qualifiée » comme le pensent plusieurs opérateurs économiques, le gouvernement actuel tente de faire de l’entrepreneuriat, une variable d’ajustement de l’emploi. A première vue, l’idée ne semble pas si saugrenue que cela, mais la manière de l’aborder pose énormément de questions. 

Encore la charrue avant les bœufs!

Et pour cause, à l’image d’Ali Bongo qui n’a pas cessé durant 14 ans d’engager des fonds de l’Etat pour tenter d’impulser une dynamique entrepreneuriale dans le pays, avec la multiplication de fonds et autres incubateurs qui ont finalement accouché de plusieurs souris, comme en témoignent les 9 milliards de FCFA débloqués l’an dernier à la fois pour les entrepreneurs et les Gabonais économiquement faibles (GEF) qui n’ont pas produit les résultats escomptés, le gouvernement de transition a embrayé dans le même sens. C’est ainsi qu’il vient lui aussi de débloquer 4000 millions de FCFA pour sa Banque pour le Commerce et l’Entrepreneuriat du Gabon (BCEG). Un établissement adossé au groupe BGFIBank, qui n’a pourtant pas un savoir-faire irréprochable en la matière. Bref. 

Dans de telles conditions peut-on espérer que cet établissement bancaire qui devrait débuter ses activités cette année puisse obtenir les résultats escomptés? Difficile à dire mais surtout à croire. Il y a quelques années, alors qu’il était directeur général d’Okoume Capital, une entité dotée d’un capital de 20 milliards de FCFA, Edgard Mfouba déplorait un « accès à l’information des PME, précaire, insuffisant, et intangible » c’est dire. Aujourd’hui encore, le constat est le même. Interrogé à ce sujet, Jeremie Nze Biang, Coordinateur Général de Coalition des organisations républicaines pour le développement économique (Corde), s’est lui aussi montré sceptique quant à cette initiative.

Alumni du programme Tony Elumelu Foundation, ce jeune ingénieur financier a ainsi indiqué que « cette banque ait un impact différent des initiatives similaires du passé, il est indispensable de repenser le mode de financement des PME gabonaise » avant d’ajouter « qu’il serait intéressant de penser à un sasse de préparation aux financements ou le demandeur sera challenger sur son modèle économique et la pertinence de son approche business avant de bénéficier de financement ». On comprend à ce niveau que le principal défi pour l’Etat en ce qui concerne le développement du tissu entrepreneurial ce n’est pas de débloquer des fonds, mais plutôt la stratégie adoptée. 

Quid des incitations fiscales et autres réglementations favorisant la croissance des PME?

C’est de cela au final qu’il s’agit. Quelles politiques sont mises en œuvre pour  soutenir l’entrepreneuriat? Existe-t-il des mécanismes d’incitation fiscale, des processus simplifiés d’enregistrement des entreprises et des réglementations favorisant la croissance des petites entreprises? Existe-t-il des mécanismes pouvant favoriser une mise en relation entre les grandes entreprises et les PME? A première vue, non. Si on y ajoute les difficultés infrastructurelles actuelles qui obèrent également le bon déroulé de toute activité économique dans le pays (déficit énergétique par exemple), il apparaît improbable que les 4 milliards prévus soient suffisants pour viabiliser l’écosystème entrepreneurial. 

Amorcer le développement de l’entrepreneuriat au Gabon nécessiterait une approche multidimensionnelle impliquant non seulement le soutien du gouvernement comme il tente de le faire, mais aussi et surtout des programmes d’éducation et de formation, le développement des infrastructures et la promotion d’une culture d’innovation et de prise de risque. Il faudrait par ailleurs, établir des mécanismes de financement tels que des fonds de capital-risque (en s’appuyant sur une approche différente de celle d’Okoume Capital), des réseaux d’investisseurs providentiels et bien entendu des institutions de microfinance pour fournir des capitaux aux startups et aux petites entreprises. Autant d’éléments qui font encore défaut aujourd’hui. 

Casimir Mapiya

« Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu'un mensonge qui réjouit. » Proverbes berbères

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