Classe affaires pour ministres, première classe pour les super-ministres : une austérité à deux vitesses ?

Alors que le Gabon ne dispose pas d’une compagnie aérienne nationale capable de desservir d’autres continents, et que le gouvernement peine encore à boucler certains engagements sociaux, la décision actée lors du Conseil des ministres du 20 juin 2025 de maintenir les voyages ministériels en classe affaires, voire en première classe pour les Ministres d’État, interroge sur le sens réel de la discipline budgétaire annoncée.
Présidée par le chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, la réunion du Conseil des ministres a consacré un paradoxe que de nombreux citoyens n’ont pas manqué de relever : dans un pays qui appelle à la rigueur et à la rationalisation des dépenses publiques, pourquoi persister à faire voyager aux frais de l’État des membres du gouvernement en classes luxueuses, pendant que la majorité des Gabonais peinent à se loger, se soigner, ou éduquer leurs enfants ?
Un symbole coûteux pour un pays sans compagnie nationale
En l’absence de compagnie aérienne nationale opérationnelle, tous les déplacements à l’international se font par des compagnies étrangères. Or, les billets en première classe ou en classe affaires pour des destinations telles que Paris, New York ou Dubaï peuvent dépasser plusieurs millions de francs CFA par personne. Quand on sait que certains ministres effectuent plusieurs missions par an, le cumul de ces frais pèse lourdement sur le budget de fonctionnement, au détriment des priorités sociales.
Dans des pays comme le Rwanda ou le Ghana, il n’est pas rare de voir des ministres voyager en classe économique, en guise d’exemple. « L’austérité commence par le sommet », disait encore récemment un internaute. Au Gabon, cette austérité semble s’arrêter à la porte du salon VIP des aéroports.
L’État doit montrer l’exemple… en se serrant la ceinture
Certes, le communiqué gouvernemental précise que tout surclassement devra être pris en charge personnellement. Mais cela ne masque pas l’essentiel : la classe affaires et la première classe (bien qu’il soit rare que les compagnies desservent Libreville en première) restent des standards budgétairement assumés par le gouvernement pour ses plus hauts responsables. Une situation difficile à justifier alors même que le chef de l’État, dans son serment du 3 mai 2025, a insisté sur « la sobriété, la transparence et la rupture avec les pratiques du passé ».
Dans un contexte économique contraint, où le pays doit investir massivement dans les infrastructures routières, la santé, l’éducation ou encore l’emploi des jeunes, chaque franc compte. Offrir des privilèges de confort à ceux qui sont censés incarner la rigueur budgétaire pourrait apparaître comme un message contradictoire, voire contre-productif. Le temps est peut-être venu, pour le Gabon nouveau, de faire de l’exemplarité une norme et non une exception. Voyager en classe économique n’altère en rien la compétence, mais peut dire beaucoup du respect que l’on porte aux ressources de la nation.
GMT TV