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Vente du masque «Ngil» à 2,8 milliards FCFA: fierté ou désastre culturel ?

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C’est au terme d’une bataille rude entre 10 enchérisseurs que le masque « Ngil » du peuple Fang a été vendu contre la coquette somme de 4,2 millions d’euros soit 2,8 milliards FCFA. Patrimoine identitaire rarissime, la perte de ce masque divise l’opinion entre ceux fiers de voir un nouveau record établi et ceux qui dénoncent un désastre culturel caractérisé par la spoliation de cette œuvre d’art.

De l’euphorie à la prise de conscience, c’est ainsi que la majorité des Gabonais a vécu la vente record d’un masque « Ngil » en France. Et pour cause, cette œuvre d’art datée au carbone 14, du 19ème siècle, réalisée en nombre limité de 10 identiques au monde a été cédée à un collectionneur qui a requis l’anonymat et ce, au nez et à la barbe des Gabonais de la diaspora.

Selon les équipes chargées de la mise en vente aux enchères, ce patrimoine identitaire aurait été emporté aux temps de la colonisation par le gouverneur René-Victor Edward Maurice Fournier, entre 1917 et 1918.  Pour l’hôtel des ventes de Montpellier, le Gabon devrait être fier de cette vente record. « La pureté de ses lignes et l’agencement de ses volumes lui confèrent un rang d’icône dans le corpus très restreint des masques de la société du Ngil », a-t-il souligné.

Seulement pour les ressortissants gabonais installés en France, il s’agirait ni plus ni moins que d’une vaste spoliation maquillée en acte noble. « Vous allez sortir vos chèques, alors que c’est un masque qui a été volé lors de la colonisation », a indiqué l’un d’eux en pleine salle. Non sans manquer de préciser que ce masque appartient au patrimoine culturel du Gabon qui n’a de place que dans son pays d’origine.

Une sortie qui a suscité le débat sur la toile qui s’offusque majoritairement devant cette vente de patrimoine gabonais au profit des intérêts français. Notons que plusieurs pays africains désireux de rentrer en possession de leurs œuvres d’art et autres objets de portée culturelle, ont intenté des actions en justice qui se sont avérées fructueuses. Pour le cas du Gabon, c’est le calme plat. Les autorités auraient-elles décidé de cautionner ce désastre culturel ?

Pour information, taillé dans du bois tendre et le blanc à l’aide de kaolin, le masque Ngil représente un visage en forme de cœur allongé avec le front bombé. Du peuple Ekang, il incarne le pouvoir judiciaire. Jadis, il visait à rechercher et mettre hors d’état de nuire des sorciers « beyem » animés d’un esprit mauvais. Seuls les initiés pouvaient porter ce masque. D’ailleurs, le porteur du masque avait une voix grave qui faisait peur aux femmes et aux enfants. Tout un patrimoine que le Gabon gagnerait à conserver au risque de rompre avec son histoire.

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

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