Taxe carbone maritime : le Gabon prêt à anticiper l’OMI, au risque d’isoler ses ports

Dans un contexte de négociation mondiale sur la tarification du carbone maritime, le Gabon envisage d’étendre sa taxe carbone au secteur du shipping. Une ambition climatique assumée, mais qui suscite des inquiétudes dans l’industrie, notamment en matière de compétitivité portuaire et d’harmonisation fiscale.
Alors que l’Organisation Maritime Internationale (OMI) poursuit ses discussions sur un Mécanisme Basé sur le Marché (MBM) pour taxer les émissions de carbone des navires d’ici 2027, le Gabon pourrait prendre les devants. Selon des sources proches du ministère de l’Environnement, Libreville étudie l’extension de sa taxe carbone, en vigueur depuis 2022 dans les secteurs pétrolier et minier, au secteur maritime. Cette fiscalité verte, pionnière sur le continent, viserait à accélérer la transition écologique nationale et à renforcer le leadership climatique du pays.
Une ambition environnementale… et un pari économique
Pour les autorités gabonaises, il s’agirait d’un pas supplémentaire vers l’économie décarbonée. « Le Gabon ne peut rester passif alors que le monde bouge. Il faut anticiper, réguler et transformer notre modèle économique », confie un haut cadre du ministère des Finances. La taxe viserait les navires opérant dans les eaux territoriales gabonaises, avec une modulation selon les émissions.
Mais cette initiative ne fait pas l’unanimité. En mai 2024, deux géants du transport maritime mondial – l’International Chamber of Shipping (ICS) et BIMCO – ont adressé une lettre au président Brice Clotaire Oligui Nguema pour dénoncer un risque de double imposition : une taxe locale, doublée à terme par celle de l’OMI. Cette configuration pourrait, selon eux, nuire aux ports gabonais comme Owendo ou Port-Gentil, entraînant un détournement des flux maritimes vers des pays concurrents sans fiscalité carbone équivalente.
Entre souveraineté climatique et harmonisation internationale
Libreville se retrouve ainsi face à un dilemme stratégique : attendre le consensus international attendu entre 2025 et 2027, ou maintenir sa trajectoire nationale ambitieuse, au risque de rompre l’harmonisation recherchée au niveau mondial.
D’un côté, la mesure pourrait générer des recettes fiscales vertes et inciter les opérateurs à verdir leur flotte plus rapidement. De l’autre, elle menace la compétitivité portuaire et expose le pays à des tensions diplomatiques et commerciales avec les armateurs internationaux.
Dans une Afrique centrale en quête de modèles économiques durables, le Gabon pourrait jouer les éclaireurs… ou se heurter à un mur logistique. Une chose est sûre : la mer est devenue, à son tour, un terrain d’arbitrage entre urgence climatique, fiscalité souveraine et géoéconomie.
GMT TV