Subvention à la presse : au Gabon, 500 millions de FCFA face aux 4 milliards du Sénégal, le cri d’alarme de Guy Pierre Biteghe

Alors que le président Brice Clotaire Oligui Nguema a annoncé, lors de la transition, une augmentation de la subvention à la presse gabonaise portée à 500 millions de FCFA, la question du financement et de la place des médias libres reste au cœur des crispations. Lors de la journée de réflexion organisée par l’Organisation patronale des médias (OPAM) le 5 mai à Libreville, Guy Pierre Biteghe a livré un plaidoyer sans détour pour une réforme en profondeur du système.
Quatre milliards au Sénégal, cinq cents millions au Gabon. Dans une salle attentive réunie à Louis, dans le 1er arrondissement de Libreville, le directeur de publication du Mbandja a dressé un parallèle aussi frappant que révélateur. « Au Sénégal, l’État alloue quatre milliards à la presse. Quatre milliards ! Au Gabon, on nous parle de 500 millions… C’est une goutte d’eau, et pourtant, c’est déjà perçu comme un grand effort. »
Si la décision du président Brice Clotaire Oligui Nguema d’augmenter l’enveloppe allouée à la presse est saluée comme un pas en avant par certains acteurs, d’autres y voient encore une mesure insuffisante face aux réalités économiques du secteur. « À Dakar, les journaux sont vendus à 100 francs et vivent grâce à la publicité. Ici, on doit survivre avec des journaux à 600 francs, sans publicité, sans soutien clair », a insisté Guy Pierre Biteghe ancien président de l’OPAM.
Une subvention toujours opaque, malgré le changement de régime
Au-delà du montant, c’est la méthode qui inquiète. Guy Pierre Biteghe a déploré une absence totale de transparence dans l’attribution des aides publiques. « Où est la liste des bénéficiaires ? Pourquoi n’est-elle pas rendue publique ? Pourquoi l’État refuse de publier ce qui est financé avec l’argent du contribuable ? »
À travers cet exemple, il fustige la persistance d’une gestion « à l’ancienne », marquée par le clientélisme, le favoritisme et l’opacité. « Le camouflage est devenu une méthode de gouvernance. On recycle les pratiques du passé dans une République qui se veut nouvelle », a-t-il lâché, amer.
Un appel à la réforme structurelle du secteur
Dans le sillage de la Cinquième République naissante, Guy Pierre Biteghe a plaidé pour une presse véritablement indépendante, dotée de moyens et protégée de toute influence politique. « Aujourd’hui, chacun monte son journal en ligne avec un ordinateur. Mais où est la qualité ? Où est le recoupement ? », interroge-t-il, soulignant les lacunes structurelles d’un secteur en perte de repères au sein duquel il craint que chaque journaliste soit détenteur d’un organe de presse.
Son plaidoyer rejoint ainsi les attentes d’une partie de la profession, qui demande une refonte des mécanismes de soutien, des critères objectifs, une autorité indépendante et un dialogue constant avec les pouvoirs publics. Un chantier que la présidence d’Oligui Nguema pourrait inscrire dans sa politique de réforme institutionnelle – si elle veut véritablement garantir un rôle structurant à la presse dans la vie démocratique.
Un avertissement lancé à la Cinquième République. « Comment entrer dans la Cinquième République si vous recyclez les méthodes de l’ancien régime ? », a conclu Guy Pierre Biteghe. Un avertissement à peine voilé, mais adressé avec lucidité, dans un contexte où la légitimité du pouvoir passe aussi par sa capacité à garantir la liberté d’informer.
GMT TV