Mbigou : une localité sacrifiée par les régimes successifs ?
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À l’heure où certaines localités du Gabon voient surgir des infrastructures modernes – lycées flambants neufs, pharmacies, centres commerciaux, voirie urbaine repavée – Mbigou, chef-lieu du département de la Boumi-Louetsi, semble figé dans une marginalisation inexpliquée. Autrefois stratégique pour sa culture du cacao et du café, cette localité autrefois prospère n’est plus que l’ombre d’elle-même, victime d’un abandon prolongé qui s’étend bien au-delà de l’ère Ali Bongo Ondimba.
Un abandon méthodique sous Ali Bongo Ondimba. Entre 2009 et 2023, alors que des projets d’infrastructures étaient multipliés dans d’autres régions, Mbigou a sombré dans une léthargie forcée. L’hostilité de l’ancien président envers cette zone n’est un secret pour personne. En 2004, alors ministre de la Défense, Ali Bongo Ondimba aurait menacé d’effacer de la carte un village du département à savoir Mandji et Dibwangui après une révolte populaire.
Les habitants réclamaient alors l’accès à l’électricité issue du barrage hydroélectrique voisin, qui alimentait d’autres localités tout en les laissant dans l’obscurité. Cette révolte, semble-t-il, est restée au travers de la gorge de celui qui allait devenir président quelques années plus tard, influençant peut-être l’abandon total de la Boumi-Louetsi sous ses mandats.
La transition dans la continuité de l’oubli ?
Avec la chute d’Ali Bongo, les espoirs étaient permis pour une réparation des injustices passées. Pourtant, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), sous la houlette du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, semble reproduire les mêmes schémas de marginalisation. Partout ailleurs, des infrastructures médicales et administratives se multiplient : SAMU sociaux, cités administratives, voiries modernes en pavé ou en bitume. À Mbigou, le silence est total.
« On en vient à regretter l’époque coloniale, où au moins il y avait une logique d’aménagement du territoire », confie un habitant du département contacté à la suite de l’éboulement de terrain qui avait coupé la ville de Mbigou, du reste du pays au niveau du village Ndoubi.
Des promesses électorales en trompe-l’œil ?
À l’approche de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, la visite des candidats dans la région est imminente. Comme à chaque échéance, ils viendront promettre ponts, routes, écoles et hôpitaux, mais les habitants de Mbigou sont-ils encore dupes ? L’absence de suivi et la reconduction des inégalités de développement interrogent : les dirigeants successifs considèrent-ils cette localité comme un territoire perdu ?
Alors que le Gabon entame une nouvelle phase de son histoire, Mbigou attend toujours son réveil. Reste à savoir si cette présidentielle marquera enfin la fin du mépris d’État, ou si la ville devra se résigner à n’être qu’une case oubliée sur l’échiquier politique national.
GMT TV