Lebamba : condamnés pour «avoir tapé le diable» sur un atangatier, un père et son fils sanctionnés pour sorcellerie

C’est un jugement qui illustre la persistance des croyances mystiques dans les conflits de voisinage au Gabon. À Lebamba, dans le département de la Louetsi-Wano, le tribunal de première instance de Mouila, siégeant en audience foraine, a condamné ce 23 mai un père de famille et son fils à trois mois de prison avec sursis pour avoir « tapé le diable » sur un arbre fruitier, dans un contexte de différend familial, rapporte le quotidien L’Union.
À l’origine de l’affaire, une querelle autour d’un atangatier, arbre dont les fruits sont très prisés dans les villages du sud du Gabon. Bembo, un sexagénaire de Lebamba-Village, surprend les enfants de son voisin en train de cueillir les fruits de son arbre. Agacé, il les menace. Une réaction qui va déclencher une violente altercation entre les deux familles, lorsque les parents des enfants décident d’aller demander des comptes.
Un rituel de vengeance mystique qui finit au tribunal
Mais au lieu d’en rester à l’échange de paroles, Bembo fait appel à son fils Mounanga, âgé de 33 ans. Ensemble, ils décident de pratiquer ce qu’ils appellent un acte de « défense mystique »: « taper le diable » sur l’arbre, un rituel ésotérique courant dans certaines communautés, censé envoyer un maléfice à la cible visée. En l’occurrence, les voisins.
Alertée, la famille visée par ce sort décide de porter l’affaire devant les autorités judiciaires. Lors de l’audience foraine, les juges du tribunal de Mouila ont qualifié les faits d’actes relevant de la sorcellerie en vertu des dispositions du Code pénal gabonais. Résultat : trois mois de prison avec sursis et une amende de 200 000 francs CFA infligés au père et à son fils.
Quand la justice se heurte aux croyances locales
Cette affaire relance le débat sur l’équilibre entre droit positif et traditions locales dans un pays où les pratiques mystico-religieuses sont encore largement enracinées dans les dynamiques sociales, surtout en milieu rural. Car si le Code pénal gabonais réprime la sorcellerie sous certaines formes (articles 241 à 243), la difficulté reste d’en apporter la preuve matérielle, dans un État de droit moderne.
Néanmoins, dans ce cas, la reconnaissance du rituel par les accusés eux-mêmes a permis au tribunal de statuer. Une décision symbolique, qui vise aussi à décourager ces formes de justice parallèle encore très présentes dans certaines régions.
Entre conflit de voisinage et menace surnaturelle, une société en tension
Plus qu’un simple fait divers, ce dossier met en lumière la nécessité pour les autorités judiciaires de mieux encadrer la coexistence entre croyances ancestrales et droit moderne. Et pose une question de fond : comment concilier vivre-ensemble et pratiques coutumières, quand ces dernières peuvent engendrer peur, division et violences au sein même des villages ?
À Lebamba comme ailleurs, la justice semble avoir tranché : on ne « tape pas le diable » sans conséquences.
GMT TV