Gabon : où sont passés les numéros d’identification sur les gilets des policiers sur la voie publique ?

Lancée en 2019 et saluée par les populations comme un début de transparence dans l’action des Forces de police nationale, l’obligation pour les agents en service sur la voie publique de porter un gilet avec numéro d’identification semble aujourd’hui avoir disparu du paysage urbain. Un retour en arrière inquiétant, alors que le racket continue de gangrener la relation entre police et citoyens.
En 2019, la mise en place des gilets fluorescents avec numéros d’identification visibles avait suscité un rare consensus : enfin une mesure concrète pour lutter contre les abus. Grâce à ce dispositif, chaque agent posté sur un axe routier devait être traçable via un numéro d’identification renvoyant à son commissariat d’attache. Une initiative saluée par les usagers, notamment pour sa dimension préventive. Mieux encore, en cas de dérive ou de comportement répréhensible, deux numéros de plainte avaient été mis à disposition du public : le 04 18 12 12 et le 05 81 81 81.
Quatre ans plus tard, la traçabilité a disparu… mais les abus persistent
Mais aujourd’hui, en 2025, il suffit d’observer les axes les plus fréquentés de Libreville, Owendo, Ntoum ou Akanda pour constater l’évidence : les numéros d’identification ont disparu des gilets, quand les gilets eux-mêmes sont de plus en plus absents. Résultat : impossible pour un citoyen de signaler un abus, de dénoncer un racket ou d’identifier un agent qui sort de son périmètre de compétence. Et pendant ce temps, les contrôles illégitimes se multiplient.
Pour rappel, un policier affecté à Libreville ne peut légalement intervenir à Owendo ou Akanda, sauf réquisition ou mission officielle. Pourtant, les pratiques sont bien différentes sur le terrain, et les usagers, eux, continuent de subir intimidations, saisies de documents injustifiées et demandes d’argent officieuses. Pire encore, aucune communication officielle ne justifie ce recul dans la traçabilité pourtant instaurée dans un objectif de discipline.
Un retour en arrière qui fragilise l’autorité de l’État
Alors que la Transition a fait de la restauration de l’autorité et de l’éthique une priorité, comment expliquer que cette mesure de bon sens ait été abandonnée sans explication ? Où sont les gilets ? Où sont les identifications ? Et surtout, où est le contrôle interne promis à chaque cérémonie officielle ?
Les Gabonais n’ont pas oublié les paroles fermes du président de la Transition Brice Clotaire Oligui Nguema en mars 2024 à Makokou : « Le racket, il faut arrêter. Celui qui se fera attraper paiera pour tout le monde. » Mais sans outil d’identification, comment attraper qui que ce soit ? Sans numéro d’identification, l’agent fautif devient invisible. Et le citoyen, impuissant.
Il est temps de réactiver les outils de transparence
Face à ce constat, le ministère de l’Intérieur et la Direction générale de la Police nationale doivent rendre des comptes. La réintroduction immédiate des gilets numérotés, la rediffusion publique des numéros de plainte, et l’obligation pour tout agent en patrouille d’être identifiable doivent être rétablies. Il ne s’agit pas d’une faveur accordée au public, mais d’une obligation républicaine.
En pleine Transition, le retour à l’ordre passe aussi par le retour à la transparence. Et la confiance entre citoyens et forces de l’ordre ne peut être restaurée tant que les pratiques abusives seront couvertes par l’anonymat. À l’heure où l’on réclame une police de proximité et respectueuse des droits, les gilets à numéro ne sont pas un détail : ils sont un symbole. Et il est temps de les remettre là où ils auraient toujours dû rester : sur le dos de chaque agent en uniforme posté sur la voie publique.
GMT TV