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Gabon : L’ivoirisation de la jeunesse, un mimétisme culturel peu sain

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À Libreville, capitale gabonaise, un phénomène culturel préoccupant prend de l’ampleur parmi la jeunesse : l’ivoirisation. Ce terme, qui désigne l’imitation des codes et pratiques culturelles ivoiriennes, se manifeste dans plusieurs aspects de la vie quotidienne des jeunes gabonais. De la manière de parler aux genres musicaux, en passant par l’animation télévisuelle, le mimétisme culturel est en marche. Toutefois, à l’heure où le Gabon cherche à restaurer son identité culturelle, cette tendance mérite d’être analysée sous un autre angle : celui de ses implications et de ses limites.

L’une des manifestations les plus visibles de l’ivoirisation est la manière de parler des jeunes à Libreville. Loin de se contenter d’un simple emprunt lexical, il s’agit d’une véritable transformation linguistique qui affecte la syntaxe et la prononciation. L’absence de pronoms personnels, l’ablation délibérée de certains sons, tout comme l’usage du « nouchi » , sont de plus en plus répandus parmi les jeunes gabonais. Des expressions comme « l’ayent » pour désigner l’argent sont désormais courantes dans les conversations. Ce phénomène linguistique n’est pas qu’un simple jeu de mots. Il traduit un désir d’adhérer à un modèle culturel externe, celui de la Côte d’Ivoire, réputée pour sa scène musicale et son rayonnement en Afrique.

Quelle jeunesse dans le nouveau Gabon ?

Si cette imitation linguistique peut sembler anodine, il reste qu’elle soulève des interrogations sur la manière dont les jeunes se détachent de leur propre héritage linguistique. Et ce, au profit d’une autre identité linguistique, aussi influente soit-elle. Le Gabon, avec ses diverses langues nationales et sa histoire riche, semble parfois perdre pied face à cette évolution. D’ailleurs, le mimétisme est-elle qu’un autre domaine clé est sous l’emprise de l’ivoirisation : la musique. La Côte d’Ivoire, avec des genres comme le coupé-décalé, le reggae, le rap ivoirien ou encore le zouglou, exerce une influence indéniable sur la scène musicale gabonaise. 

Dans les années 2015, désireux de s’internationaliser, des artistes gabonais comme NG Bling ont ouvert la voie vers le marché ivoirien. La recette ? Des morceaux à la sonorité similaire à celle des stars ivoiriennes. Tandis que d’autres, comme Shan’L, ont également tenté de s’impliquer dans le mouvement. Le succès de certains de ces artistes gabonais sur le territoire ivoirien témoigne d’une forte attraction pour la culture ivoirienne. Toutefois, ce mimétisme n’a pas toujours été couronné de succès. Le manque d’originalité et la volonté de reproduire les codes d’une autre culture plutôt que de les adapter ont parfois entraîné des résultats décevants.

L’originalité prime toujours 

Qui ignore que le public, qu’il soit ivoirien ou gabonais, semble plus friand d’authenticité que d’une « pâle copie conforme » ? La musique gabonaise a pourtant tout à offrir, avec des rythmes comme le tcham, qui allie danse et sonorité locale voire l’Ikoku ou l’élone, remis au goût du jour par des artistes comme Afrika Legend ou J-Rio, Ndoman. Le succès de la tcham démontre même que , loin de l’imitation, l’authenticité gabonaise peut aussi séduire. Eboloko a d’ailleurs été nominé aux Primud avec cette tendance propre à nous. 

Par ailleurs, l’influence de la Côte d’Ivoire ne se limite pas à la musique ou à la langue. À la télévision, la jeunesse gabonaise se retrouve souvent exposée à des émissions et des formats ivoiriens, parfois dans une version adaptée. Les émissions de téléréalité, les talk-shows, et même certaines publicités ont été inspirées des pratiques ivoiriennes. Sur la toile ce n’est pas la peine. Les influenceurs qui usitent des termes comme « Woubi » à plein temps. Or, au Gabon, on a des termes appropriés pour désigner cette catégorie d’individus. Il est notoire que la vraie force réside dans la capacité à s’approprier les influences tout en restant fidèle à son identité.

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

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