Gabon : les magistrats réduits à quémander des « WC » dans les juridictions
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Alors que l’on parle de réforme et de modernisation de la justice gabonaise, la réalité du terrain est tout autre. Dans plusieurs juridictions du pays, les magistrats ne disposent même pas de toilettes fonctionnelles, contraints de quémander un coin d’aisance pour répondre à des besoins élémentaires. Une situation ubuesque qui illustre la précarité criante de l’appareil judiciaire gabonais et alimente la colère des magistrats en grève depuis près d’un mois.
Une justice sans moyens… mais avec des exigences ! Les magistrats gabonais, à travers le Syndicat National des Magistrats du Gabon (Synamag), dénoncent un état de délabrement avancé de plusieurs tribunaux à travers le pays. À Libreville, Mouila, Makokou, Port-Gentil, Koula-Moutou, Oyem et Franceville, les infrastructures judiciaires tombent en ruine.
Dans certaines juridictions, les magistrats n’ont même pas accès à des sanitaires et doivent trouver des solutions de fortune, au mépris de leur dignité et de l’image de l’État de droit. « Nous sommes censés garantir la justice et l’équité, mais nous ne disposons même pas de toilettes ! », s’indigne un magistrat sous couvert d’anonymat.
Dans une déclaration incendiaire, le SYNAMAG par la voix de son président, Landry Abaga Essono interpelle directement le président de la Transition, lui rappelant qu’il est le garant du bon fonctionnement des institutions. « Nous vous demandons solennellement de respecter la parole donnée et de permettre à la justice gabonaise d’être enfin indépendante et efficace », a-t-il martelé.
Une grève pour la dignité et l’indépendance
Au-delà des conditions matérielles déplorables, les magistrats sont en grève pour exiger une réelle indépendance judiciaire et une revalorisation de leur statut. Malgré des promesses faites après le coup d’État du 30 août 2023, rien n’a changé. « Si la justice sous la “Young Team” doit rester identique sous l’ère de la transition, alors il y a fort à craindre que la promesse d’une justice de qualité, faite aux Gabonais, ne soit qu’un leurre de plus », a poursuivi Landry Abaga Essono.
Le gouvernement de transition semble appliquer la même recette que ses prédécesseurs : une justice instrumentalisée et sans moyens.
Un mépris institutionnel assumé ?
Le ministre de la Justice a récemment justifié son refus de répondre aux revendications des magistrats par des considérations budgétaires, estimant que leurs doléances coûteraient plus de 25 milliards de FCFA par an. Une réponse qui fait grincer des dents, surtout lorsque l’on sait que des fonds massifs ont été mobilisés pour d’autres secteurs. « Pourquoi les magistrats devraient-ils être la seule corporation à voir leurs revendications balayées d’un revers de main sous prétexte de contraintes budgétaires ? » s’interroge le SYNAMAG.
Pendant que des millions sont engloutis dans des projets opaques et des dépenses fastueuses, la justice gabonaise est laissée à l’abandon, au point où ses acteurs sont réduits à réclamer des toilettes fonctionnelles.
Un bras de fer qui ne fait que commencer
Face à ce mépris, les magistrats refusent de céder. Ils rappellent que la justice est un pilier fondamental de l’État de droit et appellent leurs collègues à la solidarité ainsi que le peuple gabonais à comprendre l’importance de leur combat. « Nous refusons d’être les complices d’une justice instrumentalisée. Ensemble, pour une justice forte et indépendante », a poursuivi Landry Abaga Essono.
Dans un pays où les scandales de corruption éclatent chaque semaine, où les magistrats sont censés être les garants du droit et de la justice, leur lutte pour une simple amélioration des conditions de travail en dit long sur l’état de la gouvernance actuelle. En attendant, dans certains tribunaux du pays, on continue à rendre la justice… « entre deux expéditions dans la nature ».
GMT TV