Gabon : l’ambition de faire de Libreville un hub pharmaceutique contrariée par les lobbys nationaux ?
En inaugurant l’usine de l’opérateur La Santé pharmaceutique (LSP) en novembre 2020, le président déchu Ali Bongo Ondimba, promettait de faire de Libreville un hub pharmaceutique régional. Il faut dire que les ingrédients étaient réunis puisque l’usine installée à Nkok, avait la capacité de produire quotidiennement 1 million de comprimés, 150 000 flacons de sirop, 50 000 pommades et pas moins de 500 000 gélules. Rien que ça. Seul hic, l’omniprésence des deux géants locaux de la distribution pharmaceutique.
Partie intégrante d’un secteur commerce qui a généré pas moins de 1340 milliards de FCFA en 2022 selon le tableau de bord de l’économie, le commerce des produits pharmaceutiques est l’un des plus dynamiques de ces dix dernières années au Gabon. Avec un chiffre d’affaires moyen de l’ordre de plus de 60 milliards de FCFA entre 2012 et 2022 dont 61 milliards de FCFA en 2020, 69 milliards de FCFA en 2021 et 68 milliards de FCFA en 2022, ce secteur est encore malheureusement, largement tributaire des importations.
Malgré la volonté des autorités de faire du pays un hub pharmaceutique régional dans une partie du continent qui importe encore au moins 80% de ses médicaments et dans un pays qui, comme évoqué plus haut, est capable de générer plus de 60 milliards de FCFA de chiffre d’affaires par an rien qu’en médicaments venus d’ailleurs, il reste incompréhensible que cette ambition ne soit pas encore matérialisée. Et ce n’est pas LaSanté Pharmaceutique et ses 20 milliards de FCFA investis dans son usine à Nkok, qui diront le contraire.
20 milliards et une capacité de produire jusqu’à 1 million de comprimés, 150 000 flacons de sirop, 50 000 pommades et 500 000 gélules
En effet, alors qu’ils pensaient franchir le rubicon du secteur pharmaceutique gabonais en y investissant massivement et surtout dans une zone franche présentée par l’ancien régime, comme un hub industriel d’envergure, les investisseurs indiens à la base de cette initiative ont finalement déchanté. Là encore de manière incompréhensible, puisque le marché, les difficultés structurelles en matière de santé publique et d’accès aux médicaments notamment à travers le balbutiant Office Pharmaceutique national (OPN), devaient favoriser l’essor de leur entité tout en réduisant drastiquement les prix de certains médicaments.
L’omniprésence des deux géants Ubipharm et Pharmagabon
Heurté aux difficultés d’accès à un marché contrôlé par la filiale locale du français Ubipharm et son unique concurrent Pharmagabon, Lasanté pharmaceutique n’a donc jamais pu percer le fructueux marché gabonais. Résignés, les investisseurs indiens entendent désormais « offrir » à l’Etat, des parts de leur entité en vue d’une possible ouverture de la chaîne de distribution. Toute chose qui devrait interroger l’État sur les mécanismes à mettre en place, visant notamment à développer une industrie pharmaceutique locale.
Si on pousse plus loin l’analyse notamment dans un secteur comme la vente de pneumatiques par exemple, on pourrait se demander si en décidant de s’y investir au Gabon dans la fabrication, un quelconque opérateur pourrait réussir à grappiller des parts de marché, tant l’importation de pneus souvent extrêmement usagés et donc dangereux pour la sécurité, est omniprésente et l’achat de ce type de pneus, ancrée dans l’inconscient.