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Gabon : la HAC face aux dérives sur les réseaux sociaux

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À l’heure où les réseaux sociaux redessinent les contours de l’opinion publique, influencent les comportements collectifs et fragilisent parfois les équilibres institutionnels, la Haute Autorité de la Communication (HAC) du Gabon ne peut plus rester en retrait. Sous le leadership de Germain Ngoyo Moussavou, elle est appelée à jouer un rôle central dans la structuration d’un espace numérique responsable, encadré par un corpus juridique clair, à l’image de l’initiative récemment annoncée par la HAAC au Bénin.

Un espace numérique devenu terrain d’influence incontrôlé. Facebook, TikTok, Instagram, YouTube… au Gabon comme ailleurs, les plateformes numériques ne sont plus de simples espaces d’expression. Elles sont devenues des réseaux d’influence, de diffusion d’informations – parfois erronées –, de mobilisation politique et commerciale, et parfois même de manipulation.

Des pages d’opinion aux comptes d’influenceurs, en passant par les vidéastes politiques, les plateformes de promotion de placements financiers et sexuels et les figures du buzz, une partie significative du débat public s’organise désormais en ligne, en dehors de tout cadre professionnel, sans autorégulation, ni respect des règles déontologiques du journalisme.

Réseaux sociaux : des médias de fait, appelés à être reconnus comme tels

La HAC doit acter une évidence : tout support numérique diffusant massivement de l’information ou de l’opinion est un média. Et à ce titre, il doit être soumis à une forme de régulation minimale, garantissant la vérité de l’information, la protection des mineurs, la lutte contre les discours de haine et la préservation de l’ordre public.

Comme l’a rappelé le Secrétaire général de la HAAC au Bénin, François Awoudo : « Tout outil que vous utilisez pour véhiculer un message à l’adresse d’une masse de personnes est un média. » Ce principe, la HAC doit désormais l’intégrer dans son approche réglementaire, en adaptant son arsenal juridique à l’ère numérique.

Vers une reconnaissance légale des influenceurs comme acteurs médiatiques

Le vide juridique dans lequel évoluent les influenceurs, créateurs de contenus ou administrateurs de pages virales doit être comblé. Il est temps que la HAC, dans le cadre d’une consultation nationale, définisse un seuil de visibilité ou d’influence au-delà duquel un compte numérique est considéré comme un organe de communication de masse, soumis à des obligations déclaratives, voire à autorisation.

Qu’il s’agisse d’un TikTokeur aux millions de vues, d’un « liveur » Facebook politique ou d’un compte Instagram marchand, dès lors qu’ils impactent des milliers de citoyens, ils participent à la structuration de l’espace public, avec les responsabilités qui s’y rattachent.

Un colloque national pour refonder l’autorité numérique

À l’instar de la HAAC béninoise, la HAC gagnerait à convoquer des États généraux de la communication numérique, réunissant journalistes, juristes, influenceurs, acteurs de la tech, chercheurs et société civile. Il s’agirait de réfléchir à une loi spécifique encadrant l’activité numérique d’influence, la monétisation des contenus, et la protection des usagers – notamment les jeunes publics.

Dans une époque où l’infox se propage à la vitesse d’un clic et où certains contenus compromettent la cohésion nationale ou exploitent la détresse des populations, la régulation ne peut plus être perçue comme une censure, mais comme un acte de souveraineté communicationnelle.

Vers un contrat numérique républicain

Ce chantier est une opportunité pour la HAC de redéfinir sa légitimité dans un paysage médiatique bouleversé. Il s’agit d’accompagner la transformation numérique du Gabon, sans renoncer aux principes fondamentaux de l’éthique, de la véracité et de la responsabilité.

Professionnaliser l’influence, encadrer les contenus sponsorisés, lutter contre les contenus préjudiciables, et former à la citoyenneté numérique : voilà le socle d’un nouveau contrat numérique que la HAC doit impulser, en lien avec les autres institutions de régulation et le gouvernement.

Une autorité à la croisée des chemins

Le défi est grand, mais le timing est propice. Dans le contexte de la transition politique gabonaise, la régulation des contenus numériques s’impose comme un impératif républicain. La HAC de Germain Ngoyo Moussavou a une occasion historique de réaffirmer son autorité, non pas en censurant, mais en structurant.

Car dans une démocratie en reconstruction, un espace numérique dérégulé est une menace potentielle pour la stabilité. À l’inverse, un espace encadré, libre et responsable est un levier puissant de transformation, d’expression citoyenne et d’innovation sociale. Le moment est venu pour la HAC de prendre la mesure de cet enjeu.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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