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Gabon : DGBFiP-DGEPF, la sclérose !

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Au terme de leur consultation au titre de l’article IV en février dernier, la mission du Fonds monétaire international (FMI) appelait les autorités gabonaises à « renforcer la transparence et la gouvernance, relancer la croissance économique et stabiliser la situation budgétaire ». Des recommandations de base qui étaient appuyées par la nécessité d’un «  reporting exhaustif de la situation des finances de l’Etat et des entreprises publiques, la publication, selon les dispositions légales en vigueur, des rapports réalisés par l’auditeur externe du gouvernement ». Une interpellation à peine voilée à l’endroit des organes de l’État en charge de la publication de rapports économiques et financiers, qui apparaissent de plus en plus sclérosés. 

Le gouvernement actuel a hérité d’une situation budgétaire délicate. C’est un fait. En 2022 et 2023, les nombreuses et coûteuses dépenses liées aux élections ont creusé le déficit non pétrolier qui est passé à deux chiffres en pourcentage du PIB hors pétrole. Financées en partie par une accumulation substantielle d’arriérés, ces dépenses ont fait peser de gros risques sur la situation budgétaire et les perspectives à moyen terme. Ce n’est pas un hasard si le ratio dette/PIB se situe autour de 70,5%, au-dessus du seuil de convergence de la CEMAC, en 2024. Cependant, cette situation économique est également imputable à l’absence de reporting financier et d’informations économiques, nécessaires à une prise de décision juste et équitable. 

En effet, depuis bientôt une dizaine d’années, les Directions générales de l’Économie et du Budget semblent souffrir d’une sclérose aiguë. Censée pour l’une, concevoir les éléments de la politique budgétaire de l’État, élaborer les normes de préparation, d’exécution et diffuser les référentiels des documents budgétaires, et pour l’autre, analyser, orienter, promouvoir et concevoir les stratégies économiques et sociales de l’Etat, la Direction générale du Budget et des Finances publiques (DGBFiP) et la Direction générale de l’Économie et de la Politique fiscale (DGEPF) naviguent à vue. Pis, elles semblent par moment nager à contre-courant, notamment au sujet des dépenses budgétaires, comme on le déplorait d’ailleurs, il y a quelques années dans notre article intitulé : Gabon: quand DGBFiP et DGEPF se contredisent au sujet des dépenses budgétaires

Une absence de reporting préjudiciable

Pourtant, elles sont censées jouer un rôle crucial dans l’optique d’une prise de décision optimale. Elles sont chargées de proposer une stratégie soutenable des finances publiques, de préparer le budget de l’Etat en s’efforçant de trouver les marges de manœuvre nécessaires au financement des priorités du Gouvernement, tout en l’aidant à mettre en œuvre sa politique en matière de comptes publics. Alors que leurs responsables sont grassement rémunérés aux frais de l’Etat. Qu’ils bénéficient de tous les avantages liés à leur rôle stratégique. Qu’est ce qui peut bien expliquer cette sclérose persistante à l’heure de la transition, qui se caractérise par une absence quasi totale de reporting? Alors même que les recommandations du FMI sont claires à ce sujet. 

Quand on sait l’importance de l’information économique et financière dans le monde globalisé dans lequel nous vivons, peut-on réellement être sûr qu’une telle approche serait judicieuse ? D’autant plus avec la nécessité de transparence dans la gestion des finances publiques appelée de tous les vœux par les partenaires techniques et financiers du pays ? Pas si sûr. Avec des déséquilibres budgétaires qui se sont considérablement aggravés en lien avec la gestion du pouvoir déchu, des perspectives qui seraient confrontées à des risques majeurs du fait du populisme assumé du nouveau régime, une croissance qui devrait ralentir à environ 2,7% à l’horizon 2025, il sera difficile d’y voir clair si les équipes d’Aurélien Mintsa Mi Nguema et de Jean Baptiste Ngolo Allini persistent à jouer le jeu de l’opacité. 

D’ailleurs, à l’analyse de la récente cacophonie au sujet du niveau réel d’endettement du pays (70,5% du PIB selon le dernier rapport du FMI), on se rend bien compte de l’importance de ces données, de ces rapports d’exécution budgétaire et autres notes de conjoncture ou encore tableaux de bord de l’économie. Ceci, eu égard au « caractère actuellement expansionniste de la politique budgétaire et la persistance de faiblesses structurelles et de gouvernance » comme l’a si bien noté le conseil d’administration du Fonds le 24 mai dernier. La transition qui a été érigée en slogan depuis le 30 août 2023, ne doit pas faire oublier ces lacunes persistantes, bien au contraire, elle se doit de contribuer à les éradiquer. C’est la seule véritable mission des gouvernants actuels. 

Casimir Mapiya

« Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu'un mensonge qui réjouit. » Proverbes berbères

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