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Gabon : « Dédiaboliser les serpents, c’est protéger la nature » selon Johannes Marchand

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Souvent tués à vue, les serpents du Gabon sont pourtant des alliés écologiques précieux. À Makokou, l’herpétologue Johannes Marchand plaide pour un changement de regard, fondé sur la connaissance scientifique et la cohabitation responsable avec ces reptiles souvent mal compris.

Ils suscitent la peur, alimentent les récits d’attaque, et sont encore perçus comme un danger permanent. Pourtant, au Gabon, les serpents jouent un rôle écologique majeur. C’est le message porté par Johannes Marchand, herpétologue et spécialiste des reptiles, lors d’une École d’été scientifique organisée à la station de recherche d’Ipassa, dans la province de l’Ogooué-Ivindo, du 15 au 31 juillet 2025. Organisée en partenariat avec le Cenarest, l’Université Omar Bongo et l’Université de Bourgogne Franche-Comté, cette rencontre s’inscrivait dans le programme One Forest Vision, visant à valoriser la biodiversité du Bassin du Congo.

73 espèces, mais peu sont réellement dangereuses

« Il y a 73 espèces de serpents au Gabon. Et seulement 24 sont potentiellement dangereuses pour l’homme », a affirmé Johannes Marchand, qui milite depuis plusieurs années pour une approche rationnelle de ces reptiles. Parmi les espèces les plus redoutées, la vipère du Gabon, le mamba vert ou encore le cobra cracheur, tous venimeux, mais loin d’être systématiquement agressifs.

D’autres, comme la vipère arboricole aux couleurs vives ou les petites vipères à cornes, sont encore peu connues du grand public, malgré leur présence sur l’ensemble du territoire. Leur répartition dépend du milieu naturel : milieux aquatiques, savanes ou forêts tropicales denses.

Un maillon clé des écosystèmes forestiers

Au-delà de leur apparence, souvent source de frayeur, les serpents sont des régulateurs naturels. « Ils limitent les populations de rongeurs, responsables de pertes agricoles ou d’incendies domestiques », explique l’herpétologue. De nombreux prédateurs – oiseaux de proie, mammifères carnivores – dépendent également des serpents pour leur alimentation.

Autrement dit, leur disparition aurait un effet domino sur tout l’écosystème. « Les serpents sont indispensables aux chaînes alimentaires », insiste Johannes Marchand, qui plaide pour une meilleure compréhension de leur rôle écologique.

Sensibiliser pour cohabiter

Alors que les zones rurales et urbaines se rapprochent de plus en plus dans certaines provinces, les interactions homme-reptile se multiplient. D’où l’appel lancé par l’expert : « Ne cherchez pas à tuer un serpent. Gardez vos distances. Ils attaquent uniquement s’ils se sentent menacés. »

En cas de morsure, la réaction adéquate n’est pas toujours connue : « Il faut éviter les gestes brusques, appeler immédiatement les secours et surtout ne pas essayer de sucer ou couper la plaie. Des protocoles médicaux existent. »

À travers sa démarche, Johannes Marchand ambitionne de « dédiaboliser » les serpents et d’inviter les citoyens gabonais à les percevoir comme des éléments clés de leur environnement naturel, plutôt que comme des ennemis à éliminer.

Une éducation environnementale à renforcer

Dans un pays comme le Gabon, où la biodiversité est à la fois une richesse et un levier de développement, l’éducation à la faune locale devient un impératif. Pour Johannes Marchand, il est temps d’intégrer l’herpétologie dans les programmes scolaires, de soutenir les recherches locales sur les reptiles, et de former les populations rurales aux bons réflexes.

Car apprendre à vivre avec les serpents, c’est aussi faire un pas de plus vers une écologie du bon sens.

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