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Gabon : Concours administratifs, Joël Mapangou soulève le malaise d’un système verrouillé

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Dans une déclaration d’une rare lucidité, diffusée sur les réseaux sociaux, l’acteur politique Joël Claincy Mapangou a mis en lumière, avec un ton à la fois amer et réaliste, le profond dysfonctionnement du système d’accès à la haute fonction publique au Gabon. Entre privilèges d’appareils politiques, contournements des règles, et désillusion des jeunes formés à l’étranger, cette sortie fait l’effet d’un miroir tendu à une République en quête de normalité.

« Lorsque les étudiants Gabonais en France, au Canada et aux États-Unis sauront comment faire pour intégrer la GOC, la SEM, l’OPRAG, ou les régies financières, mais aussi comment obtenir le concours d’entrée à l’ENA ou à l’École nationale de la magistrature sans avoir passé le concours ou avoir été admissible. Alors, ils rentreront, car convaincus d’être désormais dans un pays à peu près normal » En une phrase, Joël Mapangou a résumé le gouffre qui sépare le rêve républicain de la réalité gabonaise.

L’ENA comme symbole d’une méritocratie confisquée

Le concours d’entrée à l’École nationale d’administration (ENA), censé symboliser l’excellence et l’accès équitable à la haute administration, est devenu un théâtre de frustrations et d’indignations. En 2024, plusieurs candidats recalés ont saisi le Conseil d’État pour contester les résultats. Leur recours, formulé dans les règles, portait l’espoir d’une révision honnête des délibérations. Il n’en fut rien. Les résultats furent maintenus. Et avec eux, un sentiment persistant d’injustice.

Ce sentiment est renforcé par des cas devenus tristement emblématiques. Celui de Wilfried Ogandaga Vissy, étudiant en droit à l’Université Omar Bongo et militant actif de l’Union des jeunes du Parti démocratique gabonais (UJPDG) à l’époque, en est un exemple. Recalé au premier tour du concours avec une moyenne inférieure à 8/20, l’intéressé aurait pourtant été « racheté » et retenu pour la suite. Par quelle alchimie ? La question reste sans réponse officielle, mais le silence des institutions en dit long.

Une parole politique qui tranche avec l’hypocrisie ambiante

En évoquant le retour hypothétique des jeunes Gabonais formés à l’étranger, Joël Mapangou dénonce une réalité dérangeante : beaucoup hésitent à revenir non pas par manque de patriotisme, mais parce qu’ils savent qu’ici, le diplôme ne vaut rien face à la carte du parti, le piston, ou la proximité familiale avec tel ou tel dignitaire. Et ce sont les administrations stratégiques – la GOC, l’OPRAG, la SEM, les régies – qui concentrent les appétits et les pratiques opaques.

À l’heure où le pays entame une phase de refondation politique sous la houlette du président Brice Clotaire Oligui Nguema, cette interpellation prend tout son sens. Car elle pose une question essentielle : à quoi bon former une élite si celle-ci ne peut servir son pays, faute de règles claires, équitables et respectées ?

Entre ignorance et privilège, quelle nation voulons-nous ?

« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance », disait Abraham Lincoln. Le Gabon est aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit il choisit d’investir pleinement dans une méritocratie authentique, adossée à des concours transparents et des institutions crédibles. Soit il continue d’alimenter un système opaque, où les places sont réservées d’avance et où la compétence cède toujours le pas à l’appartenance.

L’appel de Joël Mapangou ne vise pas seulement à dénoncer. Il propose un cap, un standard, un pays « à peu près normal » où l’on n’a pas besoin de réseaux pour entrer dans l’administration. Ce pays, les jeunes Gabonais l’attendent. Encore faut-il que la République ait le courage de le construire.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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