Gabon : avec 771 milliards de masse salariale, l’exécutif renforce le pouvoir de l’administration et les risques de corruption
La gestion des pressions de liquidité sera difficile dans le contexte d’importants besoins de financement, y compris le remboursement des euro-obligations de 605 millions de dollars américains (2,6 % du PIB) en 2025, et dans un contexte où l’Etat continue d’accumuler des arriérés externes sur la dette envers les créanciers officiels, estimés à 165 milliards de FCFA (1,2 % du PIB) à la fin du mois de mai 2024. Ce ne sont pas les mots de la rédaction de Gabon Media Time, mais bien ceux des analystes de Fitch Ratings. En dépit de cela, le gouvernement vient de valider une hausse de la masse salariale à 771 milliards de FCFA. Cherchez l’erreur.
C’est l’une des décisions les plus scrutées à la suite du conseil des ministres du samedi 31 août 2024. L’augmentation du budget général de l’Etat dans la loi de finances rectificative, qui passe de 4162 milliards de FCFA à 4493,4 milliards de FCFA soit une hausse de 331,4 milliards de FCFA par rapport à la loi de finances initiale. Dans ce budget, une ligne interroge au plus haut point et une nouvelle fois. L’augmentation de la masse salariale de l’Etat. Celle-ci passe de 704 milliards de FCFA en 2023 à plus de 771 milliards de FCFA en 2024. Une hausse des dépenses publiques qui peut creuser les déficits budgétaires si les revenus de l’État ne suivent pas. Un risque énorme.
Au Gabon donc, la solde permanente, les rémunérations des autres catégories de salariés, les vacations, les indemnités de sessions et les primes en tous genres, représentent donc près de 6% du PIB. C’est bien plus que le montant dédié aux investissements qui se chiffre à 589,7 milliards de FCFA, et qui devrait pourtant être bien plus important au regard du manque criant d’infrastructures stratégiques relevées d’ailleurs dans le PNDT. Mais qu’est ce qui explique ce chiffre? Selon le communiqué final, c’est le « maintien des mises en solde intervenues au second semestre 2023 des agents publics (1.000 enseignants, 1.600 gardes républicains, personnel médical, etc.) et les 8.000 régularisations des situations administratives prévues en 2024 ».
Une hausse inconsidérée et des dérapages entretenus
Cependant, cette hausse de la masse salariale des agents de l’Etat qui ne crée que peu de richesses au regard du fragile tissu économique, de la corruption qui gangrène l’administration publique et occasionne des flux illicites de capitaux estimés à 65 milliards de dollars US entre 2011 et 2021, renforce l’idée selon laquelle la masse salariale n’est qu’une variable d’ajustements des détournements de deniers publics. Charles Mba peut-il réellement fournir la liste de l’ensemble des fonctionnaires présents et actifs dans la fonction publique pour en venir à budgétiser 771,7 milliards de FCFA? Le membre du gouvernement sait-il seulement de combien d’agents actifs dispose son ministère? Pas sûr quand on sait que l’audit des régies financières a révélé au moins 1000 dossiers litigieux.
En attendant, ce sont les finances publiques qui en pâtissent. Une hausse importante de la masse salariale augmente les dépenses publiques, pour la financer le gouvernement sera contraint d’emprunter davantage, ce qui va accroître la dette publique et rendre le pays plus vulnérable aux chocs économiques. Toute chose qui va alimenter l’inflation et limiter les ressources disponibles pour les investissements publics en infrastructures, éducation, et santé, qui sont essentiels pour le développement à long terme comme indiqué plus haut. Renforçant au passage la culture de bureaucratie et d’inefficacité, tout ceci devrait au final exacerber les inégalités salariales entre les secteurs public et privé, ainsi qu’entre différents niveaux de fonctionnaires. Un choix peu judicieux.