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Gabon : Affaire Opiangah, ou l’échec de la justice gabonaise à l’épreuve des normes internationales

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Alors que le Gabon s’efforce de restaurer ses institutions après la chute du régime Bongo, l’affaire Hervé Patrick Opiangah vient poser un redoutable diagnostic sur l’état réel de la justice dans le pays. Accusé d’inceste sur sa fille dans une procédure entachée de vices manifestes, l’ancien ministre des Mines a décidé de saisir la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Une démarche inédite qui, selon ses avocats, révèle un système judiciaire à la dérive, incapable de garantir les droits fondamentaux les plus élémentaires.

Une procédure viciée et un silence institutionnel préoccupant. Dans un entretien croisé accordé à Gabon Media Time et Dépêche241, Maîtres Marc et Julien Bensimhon, avocats français de l’homme politique exilé, ont dressé un tableau accablant. « Il n’existe aucune plainte déposée, aucune preuve, et la prétendue victime, Élisabeth Opiangah, a réitéré à plusieurs reprises, y compris sous serment, qu’aucun fait répréhensible n’a été commis », a souligné Me Julien Bensimhon. Pourtant, une procédure a bel et bien été engagée par le parquet de Libreville, dans un silence assourdissant du Conseil supérieur de la magistrature.

À ces incohérences juridiques s’ajoutent des dérives sécuritaires graves : perquisitions nocturnes sans mandat, violences contre les proches, fermeture illégale de l’entreprise familiale HPO & Associés, mise sous scellé du patrimoine professionnel et personnel. « Ce dossier est une forfaiture judiciaire et un échec de la justice gabonaise à protéger les citoyens contre l’arbitraire », a tranché Me Marc Bensimhon.

Le Gabon exposé à une condamnation régionale

La requête introduite le 1er avril 2025 devant la Commission africaine pourrait bien faire date. Forte de plus de 60 pièces, dont des constats d’huissiers, elle demande la condamnation de l’État gabonais pour violation des droits à un procès équitable, à la liberté et à la propriété privée. « Nous avons saisi cette instance car toutes les voies de recours internes ont été épuisées. C’est un cri d’alerte pour la justice gabonaise », a affirmé Me Julien Bensimhon.

L’affaire, qualifiée de « test pour l’indépendance de la justice gabonaise », pourrait déboucher sur des mesures provisoires, comme l’autorisation du retour sécurisé d’Hervé Patrick Opiangah et la réouverture de ses entreprises. Dans un pays où 6 500 salariés sont aujourd’hui privés de revenus du fait d’une procédure « sans fondement », selon la défense, l’impact économique et social est majeur.Alors que les regards de l’Union africaine et des institutions régionales se tournent vers Libreville, le Gabon est confronté à un choix historique : reconnaître ses erreurs ou s’enfermer dans une dérive autoritaire masquée sous les atours de la transition. Pour Me Marc Bensimhon, la conclusion est sans appel : « Le Gabon ne pourra convaincre de sa restauration démocratique sans une justice libre, impartiale et crédible. »

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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