France/Afrique : tollé sur le continent après les propos polémiques d’Emmanuel Macron
A la faveur de la traditionnelle Conférence des ambassadeurs français accrédités à l’étranger, qui a eu lieu ce 06 janvier 2025, le président français, Emmanuel Macron a tenu un discours de plus de 1h40 au cours duquel il a fait le tour de l’actualité internationale. Évoquant les rapports de la France avec l’Afrique, le chef de l’Etat français a fustigé « l’ingratitude » de certains partenaires africains, à propos de l’intervention des forces françaises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Une sortie qui passe mal aux yeux de certains dirigeants du continent.
« Nous avions une relation sécuritaire. Elle était de deux natures, en vérité. Il y a une partie, c’était notre engagement contre le terrorisme depuis 2013. On avait raison. Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps », a déclaré le président français, évoquant au passage le « sacrifice des soldats français » au Sahel. « Nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. Mais ne vous trompez pas, c’est nous qui l’avons fait et parfois, il a fallu y pousser », a martelé Emmanuel Macron.
Dakar et N’djamena vent debout contre Emmanuel Macron
Côté africain, on ne l’entend pas de cette oreille. En effet, dans un communiqué publié le même jour, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah a invité « les dirigeants français » à « apprendre à respecter le peuple africain et reconnaître la valeur de ses sacrifices ». Pour le Tchad, qui a récemment mis fin à la présence des soldats français dans le pays, « En 60 ans de présence, la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien », a poursuivi le chef de la diplomatie tchadienne.
L’autre réaction, encore plus virulente, est venue du Sénégal. En effet, depuis l’arrivée d’un nouveau pouvoir à Dakar, les relations entre la France et le pays de la Téranga se sont considérablement dégradées, atteignant ainsi son paroxysme depuis la décision sénégalaise de sortir de son territoire toute présence militaire étrangère en 2025. Ainsi, c’est le Premier ministre Ousmane Sonko en personne qui a répondu aux déclarations du président Emmanuel Macron. « Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée », a écrit le Premier ministre sénégalais depuis son compte X, faisant référence aux propos du président français indiquant que le départ des troupes françaises aurait été négocié avec les pays africains, et que c’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti la primeur de l’annonce à ses partenaires africains. Selon Ousmane Sonko, « Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain », a-t-il martelé.
Paris rattrapé par le fantôme de l’intervention en Libye
A propos du « merci » réclamé par Paris à ses partenaires africains, à la suite de l’intervention militaire de 2013 au Mali, qui a permis au pays d’éviter de peu une déferlante terroriste dans la capitale Bamako, Ousmane Sonko a rappelé que la France « a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel », a-t-il précisé. Un argument qui revient très souvent dans les débats intellectuels et médiatiques, sur la problématique sécuritaire de la région sahélo-sahélienne.
Il faut en effet rappeler qu’en 2011, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France en tête, avec la bénédiction de plusieurs pays arabes, une opération militaire est autorisée en Libye, sur le fondement du vote par le Conseil de Sécurité de la résolution 1973, afin de stopper les massacres perpétrés par le régime de Kadhafi. Cependant, depuis lors, il est reproché à Paris et à ses alliés de l’Alliance atlantique d’avoir outrepassé le mandat onusien, qui parlait simplement de l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne, afin de clouer les avions du régime au sol pour éviter que les populations civiles soient bombardées. Or, cette intervention s’est soldée par la mort de Mouammar Kadhafi, avec des conséquences au plan sécuritaire qui mettent aujourd’hui à rude épreuve les armées africaines.