Transformation locale du manganèse : le gouvernement met la pression sur les industriels

Le gouvernement gabonais entend mettre un terme à l’exportation brute de son manganèse d’ici 2029, au profit d’une transformation locale à haute valeur ajoutée. Un objectif réaffirmé le 16 juillet 2025 lors de la toute première réunion de la Commission interministérielle dédiée, présidée par le Vice-président du gouvernement Alexandre Barro Chambrier, en présence du ministre des Mines Gilles Nembe et de plusieurs membres du gouvernement.
Une volonté politique assumée pour la souveraineté industrielle. Réunis à l’initiative du ministère des Mines et des Ressources géologiques, les membres du gouvernement ont affiché une cohésion inédite autour de l’ambition portée par le président Brice Clotaire Oligui Nguema : transformer sur place l’essentiel du manganèse gabonais à l’horizon 2029.
« Par cette réunion fondatrice, la dynamique enclenchée confirme le rôle moteur des sectoriels dans la mise en œuvre de cette ambition nationale, soutenue par une cohésion gouvernementale sans précédent », s’est félicité le ministre Gilles Nembe, en dévoilant les exigences techniques, la portée industrielle et les enjeux géoéconomiques d’un projet jugé stratégique pour l’avenir du pays.
Un paradoxe : le Gabon exporte 80 % de son manganèse brut
Premier producteur de manganèse en Afrique, le Gabon reste encore dépendant de la logique extractive classique, avec près de 80 % de sa production exportée à l’état brut, principalement vers la Chine et l’Europe. Seuls 20 % sont transformés localement, via les unités industrielles d’Eramet à Moanda, notamment le Complexe métallurgique de Moanda (C2M) et le Complexe industriel de Moanda (CIM).
Mais ces structures industrielles tournent au ralenti. En 2024, seulement 18 000 tonnes de silico-manganèse ont été exportées, soit moins du tiers des capacités réelles d’Eramet-Comilog, pourtant destinées à faire du Gabon un champion africain de la métallurgie.
Un tournant industriel attendu, sous la pression des acteurs internationaux
L’annonce d’une interdiction progressive de l’exportation brute d’ici 2029 constitue un signal fort envoyé aux opérateurs du secteur. Si certains s’inquiètent des délais de mise en conformité, le gouvernement, lui, assume une ligne de fermeté, y voyant un levier de création de valeur locale, de souveraineté économique et de génération d’emplois qualifiés.
La mise en place de la Commission interministérielle vise justement à coordonner les actions entre les différents ministères sectoriels – Mines, Économie, Industrie, Infrastructures, Formation professionnelle – pour garantir une exécution fluide du projet intégré de transformation locale des minerais.
Le défi : investir dans les infrastructures et la main-d’œuvre locale
Pour atteindre cet objectif ambitieux, des investissements massifs seront nécessaires, tant dans les infrastructures énergétiques et logistiques que dans la formation des compétences locales. Des discussions sont déjà en cours avec des partenaires techniques et financiers pour élargir la capacité de transformation sur le territoire, en s’inspirant notamment des expériences réussies dans d’autres pays émergents. À terme, cette politique pourrait rapporter davantage de devises, réduire les déficits commerciaux et renforcer l’autonomie industrielle du Gabon.
À quatre ans de l’échéance, le chemin reste semé d’embûches, mais la volonté politique est claire : mettre fin au “pillage organisé” des ressources naturelles par des modèles extractifs sans retombées locales durables.
Le compte à rebours est lancé. Le gouvernement joue désormais sa crédibilité sur la réussite de cette transition vers un modèle économique basé sur la transformation locale et l’industrialisation. Le manganèse pourrait bien devenir le catalyseur de cette nouvelle ère.
GMT TV