Scandale financier à Gab’oil : quid de la responsabilité des administrateurs ?
Le scandale financier qui secoue Gab’oil, société publique en proie à de graves difficultés financières, met en lumière des pratiques de gestion douteuses orchestrées par ses premiers responsables. Au cœur des accusations, des détournements massifs de fonds destinés à la campagne référendaire et la création d’une régie d’avance illégale. Dans un contexte où les administrateurs restent étrangement silencieux, l’opacité règne sur les responsabilités et les mesures correctives.
Les révélations autour de Gab’oil font état d’une mise à disposition de fonds au Président du conseil d’administration (PCA), officiellement justifiée par une régie d’avance créée sans l’avis du Conseil d’Administration. Cette régie, confiée au chargé d’études du PCA, viole les règles encadrant les sociétés publiques de droit privé régies par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (en abrégé OHADA). En effet, seul un comptable public assermenté pourrait légalement gérer de tels fonds.
Pire encore, malgré la mise sous scellés des bureaux de l’Administrateur directeur général (ADG) et de la Direction financière, « l’ ADG continue d’opérer depuis le bureau de son adjoint, signant des chèques et attribuant des marchés sans appels d’offres », nous confie une source interne à Gab’oil. Parmi les bénéficiaires de ces contrats douteux, plusieurs entreprises aux profils incohérents :
Gewe, créée en avril 2024, se voit attribuer la construction d’une station à Amissa pour un montant de 800 millions de FCFA. Elite Expertise, spécialisée dans les équipements pétroliers, obtient un contrat pour une station à Cocobeach, évalué à 1,2 milliard de FCFA. Damas BTP, seule société dotée d’une réelle expertise, se charge d’une station en province sans appel d’offres.
Quid de la passivité des administrateurs ?
Le Conseil d’Administration, composé de représentants clés (présidence, ministère du Pétrole, SGEPP et autres), n’a pris pour l’heure aucune mesure pour suspendre les auteurs de ces détournements pourtant largement relayés par la presse locale et même sur les réseaux sociaux. Leur inaction, alors qu’ils perçoivent des jetons de présence augmentés à 3 millions de FCFA en 2024, contre 1 million en 2023, alimente des soupçons de complicité passive.
Face à des preuves accablantes et à l’ouverture d’une enquête judiciaire, les administrateurs n’auraient-il dû exiger une réunion exceptionnelle pour rétablir la transparence et suspendre à titre conservatoire les responsables incriminés ? Leur silence prolonge l’hémorragie financière d’une entreprise déjà déficitaire.
Une gestion hasardeuse sur fonds propres et des réformes structurelles indispensables
Malgré une dette dépassant les 50 milliards de FCFA auprès d’un de ses fournisseurs, l’ADG poursuit des projets coûteux en s’appuyant exclusivement sur les fonds propres de Gab’oil. Ces ressources, initialement destinées à garantir les approvisionnements en produits pétroliers, sont détournées pour financer des travaux non prioritaires. Une telle gestion, en totale contradiction avec les principes de prudence financière, fragilise davantage une entreprise essentielle à l’économie nationale.
Les dysfonctionnements révélés dans ce scandale appellent à des réformes urgentes. Le changement des administrateurs devient indispensable, car les membres actuels du Conseil d’Administration ont failli à leur mission de contrôle et de gouvernance. Une refonte complète de cette instance s’impose pour garantir une gestion éthique et responsable.
Pour rétablir l’ordre, la nomination d’un administrateur provisoire devient nécessaire. Cela passe également, à en croire des membres du personnel qui craignent la banqueroute pour leur entreprise, « par le retrait des pouvoirs de signature à l’administrateur directeur général ». Une enquête indépendante doit être menée pour identifier l’étendue des détournements et évaluer les impacts financiers sur l’entreprise. Enfin, il est crucial d’instaurer un processus rigoureux et transparent pour l’attribution des contrats, afin d’éviter de futures dérives.
Une entreprise essentielle pour le Gabon en péril
Gab’oil, acteur stratégique dans le secteur pétrolier gabonais, ne peut se permettre de telles dérives. À l’heure où les besoins en carburants sont cruciaux pour l’économie nationale, les scandales financiers et les dettes accumulées menacent directement la continuité de ses activités. Si des mesures rapides et décisives ne sont pas prises, l’entreprise risque de s’effondrer, avec des conséquences dramatiques pour le pays.
Ce scandale est un signal d’alarme sur l’état de la gouvernance dans les entreprises publiques au Gabon. Au-delà de Gab’oil, il soulève des questions plus larges sur la responsabilité des dirigeants et des administrateurs, ainsi que sur la nécessité d’une réforme structurelle pour renforcer la transparence et la reddition de comptes.