Roland Ndjambe : « La corruption, ce fléau qui freine notre développement »
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Le 28 février 2025, le Premier Ministre Gabonais a émis la menace suivante à l’endroit de son administration : « Je vous donne 60 jours et le compte à rebours commence aujourd’hui pour que vous me déposiez les manuels de procédure d’organisation et des services et un système objectif de notation de vos personnels, sinon vous êtes relevés de vos fonctions ».
À travers cette exigence le Premier Ministre Raymond Ndong Sima réaffirme son intérêt en définissant le modus operandi de la lutte contre la corruption dans son administration.
La corruption, ce fléau invisible mais omniprésent, entrave le développement économique, mine la confiance des citoyens envers les institutions, et compromet les efforts de transition, qu’elle soit politique, économique ou sociale.
Il est toujours difficile d’évoquer ce sujet qui pour autant reste ancré dans le débat public. Nous souhaitons y apporter modestement notre contribution sous un prisme beaucoup plus pragmatique en effectuant un diagnostic et en proposant des solutions de remédiation qui même si elles sont peu populaires, néanmoins ont déjà donné des résultats positifs dans d’autres régions.
I – Comprendre les racines de la corruption au Gabon
La corruption prend de nombreuses formes, allant des pots-de-vin à l’abus de pouvoir en passant par le détournement de fonds publics. Elle prospère dans des environnements où :
• La transparence est insuffisante et le favoritisme mis en exergue.
• Les institutions sont faibles ou mal gouvernées.
• Les citoyens n’ont pas les moyens d’exercer un contrôle sur les dirigeants.
Au Gabon, les institutions existent et fonctionnent avec des dotations budgétaires significatives. Le dernier projet de budget au Gabon a été adopté en conseil de Ministre pour un montant qui s’établit à 4 204,9 milliards de F CFA, en équilibre entre ressources et dépenses, soit une hausse de 42,9 milliards par rapport à 2024. Il est impossible de prétendre que le manque de ressources favorise la corruption dans notre administration.
La corruption reste ce fléau prépondérant au fonctionnement de nos institutions, à l’activité économique et prospère dans notre société. Le Gabon se classe 122ème sur 142 pays luttant contre la corruption, d’après les rapports institutionnels internationaux, tels que celui du « World Justice Project Rule of Law Index » élaboré par la Banque Mondiale.
Ainsi, il serait judicieux de réaliser une introspection et de se demander, de la même manière que nous le faisons dans notre quartier, « Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné » ?
II – Le diagnostic établit, que devons-nous faire pour y remédier ?
Au Gabon, plusieurs actions ont déjà été mises en place, mais nous aimerions les associer à d’autres propositions pour renforcer nos acquis.
❖ Mettre en place un modèle de transparence pour les institutions et le secteur privé. En effet il nous faut renforcer la transparence des finances publiques, contrôler les budgets alloués, améliorer le suivi des marchés publiques et les dépenses gouvernementales via la mise en place des portails de transparences qui permettent de suivre en temps réel les flux financiers dans nos administrations. Par ailleurs, dans le secteur privé il nous faut légiférer pour imposer un modèle de transparence également en exigeant l’adoption dans toutes les entreprises gabonaises éligible, de l’obligation d’utiliser les règles ‘’ éthique et conformité’’ ainsi que la promotion de l’utilisation des plateformes de ‘’lanceurs d’alertes’’.
❖ Garantir le renforcement de nos institutions en assurant une justice indépendante et efficace, des tribunaux spécialisés et des procureurs protégés des pressions politiques.
❖ La création d’organes de contrôle autonomes ne doit pas être en reste. En effet la commission de lutte contre l’enrichissement illicite et l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF) doivent être transformées en un modèle beaucoup plus opérationnel et contraignant tels que l’Agences Gabonaise Anti-Corruption (abrégé AGAC), autonome, dotées de pouvoirs d’investigation et de sanctions s’appuyant sur un cadre législatif clair semblable à la loi Sapin 2. Il est impératif que cette agence ait le pouvoir de surveiller les entreprises publiques, parapubliques et privées. Ses missions seront organisées par le contrôle, la formation et la sensibilisation ainsi que les sanctions pénales et pécuniaires prédéfinies dans la loi.
❖ Favoriser l’investissement dans le civique et la participation citoyenne et l’exploitation de la technologie via la digitalisation de nos outils publiques permettront d’une part d’influencer nos mentalités en éradiquant l’assertion populaire ‘’On va encore faire comment’’, d’autre part réduire les interactions humaines dans les processus administratifs, limitant ainsi les opportunités de corruption. Par exemple, l’utilisation des systèmes de paiements électroniques pour les taxes, les amendes et autres frais de missions diminueront les risques de détournements et de concussion. De plus, L’intelligence artificielle et le big data doivent être utilisés pour analyser les transactions publiques, détecter les irrégularités, alerter sur les comportements suspects et contribuer à la facilitation de délivrance des actes administratifs. Pour exemple, Il est vraiment inacceptable que nos actes d’état civil ne soient toujours pas numérisés pour cause d’achat de timbres qui procurent une manne importante d’espèces et aiguise ainsi les ‘’appétits’’.
❖ Enfin l’impunité est un moteur de la corruption. Il est donc impératif de punir sévèrement les actes de corruption, quelle que soit la position sociale ou politique des responsables. Les sanctions doivent être dissuasives et accompagnées de campagnes de communication pour montrer que personne n’est au-dessus de la loi.
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III – Quelles actions immédiates ?
la lutte contre la corruption dans le débat public nécessite une approche participative et multidimensionnelle en se caractérisant par la mise en place d’actions immédiates telles que :
✓ La sensibilisation et l’éducation : il nous faut organiser des campagnes d’information sur les effets négatifs de la corruption, intégrer des modules sur l’éthique et la transparence dans les écoles et universités et utiliser les médias et les réseaux sociaux pour vulgariser les mécanismes de corruption et leurs conséquences ;
✓ participation citoyenne : en organisant des débats publics et en cherchant la contribution de tous les acteurs civils intéressés par cet enjeu national favorisera une implication à tous les niveaux. Il nous ait nécessaire d’avoir une approche participative sans être ‘’donneur de leçon’’. Il est également nécessaire d’encourager les futurs candidats aux prochaines élections à signer des engagements clairs sur la lutte contre la corruption ;
✓ mobiliser la société civile : ce débat ne peut être animé sans la participation des ONG et associations qui doivent porter le sujet dans l’espace public, organiser la mise en place des plateformes de dénonciation et de protection des lanceurs d’alerte ainsi que favoriser des coalitions entre citoyens, entreprises et institutions pour promouvoir l’intégrité.
En conclusion, il est tout à fait pertinent de souligner que le Président de la transition gabonaise, son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, et son Premier Ministre Raymond Ndong Sima, en compagnie de son gouvernement ont déjà pu impulser plusieurs actions œuvrant dans la lutte contre la corruption dans notre Pays.
Néanmoins, combattre la corruption implique bien plus qu’une simple nécessité morale : c’est une condition sine qua non pour réussir et garantir la transparence envers le peuple. Il est primordial que la société gabonaise bâtisse son avenir en respectant la transparence et l’intégrité, que ce soit pour assurer un développement économique équitable, garantir la justice sociale ou protéger notre environnement. Il est crucial de prendre des mesures pour éviter que les erreurs commises avant la transition ne se reproduisent à l’avenir.
Si cette bataille est ardue, elle n’est pas insurmontable car d’autres l’ont déjà fait (exemple du Sénégal, les Seychelles, le Botswana, Sao Tomé et Principe… ).
Avec une volonté politique ferme, des institutions solides et la participation active des citoyens, un Gabon plus juste et équitable est à portée de nos mains et éviter ainsi d’être en marge des objectifs mondiaux à l’horizon 2030 et 2050 qui se conforment à des normes internationales comme les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU, l’amélioration des notes des dettes souveraines par les agences de notation et d’autres mesures de transparence à l’échelle mondiale.
Réflexion proposée par Roland Jules Ndjambe, Président du Think Tank ‘’Club Elite Avenir’’. Originaire de Port-Gentil au Gabon et Expert en Gestion des risques, Contrôle, Intégrité, Ethique et Conformité.
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