Derniers articlesTribune

POURQUOI L’HARMONISATION DES COEFFICIENTS ENTRE TOUTES LES MATIÈRES EST UNE RÉFORME BÉNÉFIQUE POUR LES ÉLÈVES ?

Ecouter l'article

Alors que la récente réforme d’harmonisation des coefficients au collège suscite un vif débat au Gabon, le Pr. Daniel Franck Idiata, spécialiste de l’acquisition du langage à l’Université Omar Bongo, prend position. Dans une tribune argumentée, il défend une mesure qu’il juge essentielle pour restaurer l’équité scolaire, réduire le redoublement et valoriser toutes les compétences des élèves. Lecture.

  1. Introduction

L’harmonisation des coefficients au collège, une réforme récente du Ministère de l’Education Nationale est au cœur de tant de débats au Gabon depuis plusieurs semaines. J’ai moi aussi décidé de participer à ce nécessaire débat pour soutenir le camp de celles et ceux qui pensent que cette réforme constitue un enjeu fondamental pour garantir l’équité et la cohérence dans l’évaluation des élèves. Face à la diversité des disciplines, des niveaux d’exigences et des pratiques pédagogiques, il était devenu absolument nécessaire d’adopter un cadre commun qui permette de valoriser équitablement les compétences acquises.Cet article propose d’explorer les bénéfices de cette harmonisation, tant sur le plan pédagogique que sur celui de la gestion scolaire, en mettant en lumière ses effets positifs sur la motivation des élèves, la transparence des résultats et la qualité des parcours éducatifs. Il s’agit de montrer comment une pondération des coefficients mieux calibrée constitue un levier essentiel pour renforcer la justice scolaire et favoriser la réussite des élèves.

  1. Définition et objectif d’une réforme pertinente

L’harmonisation des coefficients désigne la réforme récemment mise en œuvre par le Ministère de l’Education Nationale consistant à attribuer un coefficient identique à toutes les matières d’un même niveau scolaire au collège. Cette mesure vise à réduire la surpondération de certaines matières comme les mathématiques et le français, qui avaient auparavant des coefficients beaucoup plus élevés, afin de favoriser une évaluation plus juste et équilibrée entre les disciplines. L’objectif principal est de lutter contre le taux élevé de redoublement, en particulier en 6e, et de permettre aux élèves de réussir en valorisant toutes leurs compétences, sans qu’une seule matière ne prédomine excessivement dans le calcul de la moyenne. Cette réforme a pour but également de s’adapter à une approche pédagogique par compétences, plus conforme aux besoins actuels de formation.

  1. Contexte et enjeux

L’ancien système, hérité de la période coloniale, créait un « goulot d’étranglement » à cause de coefficients trop élevés pour certaines matières, provoquant un redoublement et même des décrochages très importants. L’harmonisation des coefficients uniformise les poids des matières, supprimant donc la surpondération de certaines matières. Cette réforme encourage une diversification des talents et compétences développés par les élèves, au lieu de miser sur quelques disciplines seulement. Certains experts avertissent, cependant, sur le risque de nivellement par le bas, craignant que cela incite à moins d’efforts en matières phares comme les mathématiques. Ce risque n’est pas nul, mais c’est à l’expérience qu’on pourra l’évaluer, dans quatre années, lorsque les élèves de la classe de sixième de cette année 2025-2026 seront arrivés en classe de troisième où s’opérera leur orientation dans une discipline donnée.

  1. Objectifs pédagogiques de cette réforme

L’harmonisation des coefficients attribués à toutes les matières du programme de formation, de la sixième à la troisième, constitue une démarche essentielle pour garantir une évaluation équilibrée et équitable des compétences des élèves. Cette uniformisation permet, en effet, de refléter la cohérence pédagogique et la complémentarité des disciplines dans la construction des savoirs, tout en assurant une juste reconnaissance de leur importance respective. Face à la diversité des matières et aux exigences variées de chaque cycle, ajuster les coefficients garantit que chaque domaine reçoit l’attention qu’il mérite, favorisant ainsi une formation globale et harmonieuse, favorable à la réussite scolaire et à l’épanouissement intellectuel des élèves.

  1. Principaux bénéfices de l’harmonisation des coefficients

Les bénéfices de l’harmonisation des coefficients au collège sont nombreux et de plusieurs ordres. Je vais me limiter ici à ceux que je considère comme les plus importants. Tout d’abord, l’équité dans l’évaluation. En uniformisant les coefficients, on évite qu’une seule matière, par exemple les sciences, pèse de manière disproportionnée dans la réussite ou l’échec scolaire des élèves. Cela permet à chaque élève de mieux valoriser ses points forts dans diverses disciplines, littéraires, scientifiques ou artistiques, et développe ainsi leur « vraie nature ».Ensuite, la réduction du taux de redoublement. Le système ancien avec des coefficients très variables créait un goulot d’étranglement, provoquant un fort taux de redoublement (estimé à environ 41% en 6è). L’harmonisation permet une meilleure cohérence dans l’apprentissage et donne aux élèves une chance réelle de passer en classe supérieure, réduisant ainsi le nombre d’élèves bloqués par des coefficients trop lourds dans certaines matières.Il y a ensuite l’arrimage avec l’Approche Par les Compétences (APC). Cette réforme s’inscrit dans une pédagogie moderne basée sur les compétences, mieux adaptée aux exigences contemporaines. Elle aide les élèves à acquérir un socle commun de compétences, en valorisant toutes les matières et non uniquement certaines dominantes, pour une montée en compétences plus équilibrées.
On peut aussi mentionner la cohérence pédagogique. L’harmonisation garantit une meilleure cohérence du programme de la 6e à la 3e, avec des coefficients uniformisés rendant le suivi pédagogique plus clair pour les enseignants et les élèves, et favorisant une progression harmonieuse à travers les niveaux du collège.Enfin, la motivation des élèves. La réforme d’harmonisation des coefficients au collège influence la motivation des élèves dès lors qu’elle vise à valoriser la diversité des talents en donnant le même poids à toutes les matières, ce qui va nécessairement accroître la motivation des élèves. Toute chose qui favorise chez l’élève une meilleure estime de soi et une approche plus équilibrée de l’apprentissage, réduisant la pression excessive liée aux matières traditionnelles comme les mathématiques et le français. Cette valorisation égale va donc stimuler un engagement plus large et une motivation intrinsèque à apprendre chez l’élève.Je me dois de mentionner les inquiétudes légitime (objectives ?), qui mettent en avant le risque chez les élèves de perte d’intérêt pour les matières fondamentales, celles habituellement dominantes, ce qui pourrait entraîner une baisse de motivation et d’effort dans des disciplines-clés, principalement les sciences et le français. Le fait d’égaliser les coefficients peut réduire la culture de l’excellence et inciter certains élèves à se désengager des matières plus difficiles ou stratégiques pour leur avenir. Ce niveau uniforme pourrait aussi générer une démotivation par un affaiblissement de la compétitivité liée à la performance dans les disciplines majeures. Ces critiques ne sont pas à balayer d’un revers de la main. Il faut en tenir compter dans les évaluations objectives et indépendantes du système qui devront être faites régulièrement.

  1. Pour ne pas conclure

L’harmonisation des coefficients influence positivement la réussite scolaire en rendant le système d’évaluation plus équitable et en réduisant la pression sur les matières traditionnellement surpondérées, comme le français et les mathématiques. Cette mesure permet à un plus grand nombre d’élèves de réussir en valorisant leurs points forts dans diverses matières, ce qui favorise le développement équilibré des compétences. Plus précisément, elle offre une évaluation plus juste où chaque matière a le même poids, évitant qu’une difficulté dans une matière ne conduise à un échec global ; une meilleure valorisation des intelligences multiples, où les élèves excellant dans des matières comme les arts plastiques, l’éducation physique et sportive, ou la technologie peuvent compenser des difficultés en disciplines fondamentales ; une augmentation globale du taux de réussite, qui va encourager la motivation des élèves et réduire les risques de décrochage ; une simplification du calcul des moyennes. Encore une fois, et au-delà des débats en cours, l’évaluation de l’impact réel de la réforme d’harmonisation des coefficients au collège ne peut se faire qu’à travers l’ouvrage.

C’est, en effet, à travers l’observation des résultats concrets en termes d’apprentissage et de réussite scolaire que cette réforme sera plébiscitée ou décriée. C’est donc à travers l’analyse des résultats scolaires réels et la dynamique pédagogique dans les classes qu’on pourra réellement évaluer l’efficacité et l’impact véritable de cette réforme. J’en appelle à une évaluation par une expertise indépendante pour garantir l’objectivité, la transparence et l’efficacité du processus. C’est seulement cette évaluation qui permettra de mesurer objectivement et concrètement l’impact réel de cette réforme sur la réussite scolaire, le redoublement et l’orientation des élèves, tout en détectant d’éventuels écueils ou dérives.


Daniel Franck IDIATA, Professeur Titulaire, Spécialiste de l’acquisition du langage chez les enfants
Université Omar Bongo.

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GMT TV

Bouton retour en haut de la page