Port-Gentil : après huit ans de détention préventive, Pierre Mweyaga acquitté au bénéfice du doute

Reconnu non coupable par la Cour d’appel judiciaire de Port-Gentil après huit années de détention provisoire, Pierre Mweyaga, 40 ans, a été acquitté vendredi 19 juillet 2025 au terme d’un procès criminel emblématique d’un système judiciaire à deux vitesses. Une décision qui relance le débat sur la détention prolongée sans jugement au Gabon.
C’est un verdict qui a résonné comme un soulagement dans la salle d’audience. Après avoir passé huit longues années derrière les barreaux sans procès, Pierre Mweyaga a été déclaré non coupable du meurtre de Guy Pambo, survenu en 2013 dans le village d’Atongowanga (département d’Etimboué). Si le ministère public, représenté par l’avocat général Wilfrid Armel Boulé, avait requis une peine de 30 ans de réclusion criminelle, la Cour a estimé qu’un doute raisonnable subsistait sur la culpabilité de l’accusé, et a choisi l’acquittement.
Une affaire vieille de plus de 10 ans
Les faits remontent au 3 décembre 2013. Ce jour-là, la disparition de Guy Pambo est signalée à la brigade de gendarmerie d’Omboué. Ce n’est qu’en novembre 2016 que des ossements humains, une machette et un sac vide sont découverts en pleine forêt par des proches du disparu. Une plainte est alors déposée, et l’enquête aboutira à l’interpellation de Pierre Mweyaga en juillet 2017.
Placé sous mandat de dépôt et privé de liberté depuis lors, l’homme n’a cessé de clamer son innocence. À la barre, il a maintenu n’avoir aucun lien avec la mort de Guy Pambo, malgré les charges essentiellement circonstancielles.
Une justice trop lente pour être juste ?
Pour sa défense, Me Élie Missou a dénoncé l’absence de preuves matérielles directes et a plaidé l’acquittement pur et simple. « Mon client a déjà payé au-delà de ce que même la loi permet, pour un crime dont rien ne prouve la culpabilité. Le doute doit toujours profiter à l’accusé », a-t-il soutenu.
La Cour a donné raison à cette argumentation, en concluant que les éléments réunis au cours de l’enquête et du procès ne permettaient pas d’établir avec certitude la culpabilité de l’accusé. Une décision saluée par les observateurs, mais qui met en lumière une faille criante : l’inaction judiciaire qui maintient des hommes en prison pendant près d’une décennie sans jugement.
Une réparation en suspens
Libéré mais marqué, Pierre Mweyaga reste une victime du système. Huit années de vie perdues, sans condamnation ni reconnaissance d’une quelconque erreur judiciaire. Aucune disposition n’a été annoncée quant à une indemnisation ou une mesure de réinsertion.
Dans un contexte de transition politique et de promesses de refondation institutionnelle, ce cas illustre la nécessité urgente de réformer la chaîne pénale au Gabon. « La Vème République ne peut tolérer que des citoyens soient privés de liberté sans jugement pendant autant d’années », commente un magistrat sous anonymat.
L’affaire Pierre Mweyaga est close sur le plan judiciaire, mais elle reste ouverte sur celui des réformes à venir.
GMT TV