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PDG et REAGIR : Immongault va-t-il bientôt sonner la fin de la chienlit ?

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Le coup d’État militaire du 30 août 2023 a profondément remodelé le paysage politique gabonais. En à peine deux ans, les institutions ont été réformées, le cadre de fonctionnement des partis politiques repensé, et une volonté affichée de rupture avec les pratiques passées a émergé. Pourtant, ces changements, censés favoriser la stabilité, ont révélé de profondes fractures au sein de certaines formations politiques. Le Parti démocratique gabonais (PDG) et Réagir traversent aujourd’hui de vives crises internes, marquées par un bicéphalisme à la tête de leurs directions respectives. Une situation en totale contradiction avec les nouvelles exigences légales en vigueur, notamment celles encadrées par la loi n°016/2025, que le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité est censé faire appliquer.

Un PDG à la dérive, entre fidélités croisées et guerre de leadership

Alors que l’on croyait la page tournée pour le PDG, après sa mise à l’écart du pouvoir, le retour sur la scène politique d’Ali Bongo Ondimba a ravivé les tensions. En annonçant sa volonté de reprendre les rênes du parti et en désignant nommément Blaise Louembe et Angélique Ngoma comme figures d’un complot putschiste, l’ancien président a créé un climat de division aggravé. Le camp dirigé par Ali Akbar Onanga, fidèle à l’ex-chef de l’État, se heurte désormais à celui des dirigeants actuels du siège du parti. À la veille des élections locales et législatives, cette guerre de leadership désoriente les militants et affaiblit le PDG, déjà fragilisé par sa perte de légitimité dans l’opinion publique.

Réagir, une autre victime de l’instabilité interne

Le parti Réagir n’échappe pas à cette spirale conflictuelle puisque depuis fin 2023, deux factions s’y disputent la direction. D’un côté François Ndong Obiang, ministre en exercice, de l’autre Michel Ongoundou Loundah, figure d’un courant contestataire. Chacune revendique la légitimité du leadership, plongeant le parti dans une impasse qui a migré du terrain politique vers celui judiciaire. Cette lutte intestine, comme celle du PDG, est alimentée moins par des différends idéologiques que par une querelle de personnes. Résultat, ce sont les militants de base qui paient le prix fort, pris en otage entre deux appareils paralysés et discrédités. Ce climat alimente une impression générale de désordre, incompatible avec l’esprit de réforme affiché par les autorités.

Immongault sous pression : la loi ou l’impunité ?

La semaine écoulée a été marquée par une série d’incidents : tentatives d’irruption au siège du PDG, sorties médiatiques fracassantes et divulgation de secrets internes à Réagir… Autant d’éléments qui renforcent l’idée d’une chienlit politique. Face à cette situation, le ministre de l’Intérieur, Hermann Immongault, est désormais attendu. La loi n°016/2025 du 27 juin 2025 lui donne les moyens d’agir. Son article 64 dispose que le ministre peut, en cas de crise interne non résolue et après mise en demeure restée sans suite, suspendre les activités d’un parti. Le bicéphalisme en est un motif explicite. En tant que garant du respect de la loi et à la tête d’un ministère désormais considéré comme apolitique, Hermann Immongault devra trancher, quitte à suspendre provisoirement les deux partis pour permettre un retour à l’ordre. En ce qui concerne le PDG, l’affaire est pour le moment entre les mains de la justice.

Un enjeu démocratique majeur dans la nouvelle République

Alors que la Vème République entre dans sa phase de consolidation, l’État ne peut plus tolérer les pratiques qui ont nourri l’instabilité passée. Le respect de la loi, la cohérence institutionnelle et la restauration de la confiance entre les citoyens et la classe politique doivent primer sur les querelles partisanes. L’hésitation, dans ce contexte, ne serait pas seulement un aveu d’impuissance, mais une compromission grave avec les principes de bonne gouvernance proclamés depuis août 2023. Le ministre Immongault, qui tient là un levier d’assainissement politique, doit faire preuve de fermeté.

L’opinion publique, qui a adhéré au discours de libération porté par le CTRI, attend désormais des actes concrets. Sans une intervention décisive du ministère de l’Intérieur, le nouveau régime risquerait de perdre la crédibilité acquise aux premières heures de la Transition. Et le peuple gabonais, encore marqué par les dérives du passé, pourrait finir par voir dans ce changement de régime non pas une libération, mais une illusion de renouveau.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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